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PREMIÈRE
PARTIE : LES ÉPOQUES DE FORMATION
Chapitre
I : De la Préhistoire à l’Histoire
L’Egypte
présente une unité géographique :
une longue bande de terres cultivables dont la largeur
ne dépasse guère 40 km, étirée
sur plus de 1000 km depuis Assouan et la frontière
nubienne au Sud jusqu’à la Méditerranée,
entre le plateau libyque et la chaîne arabique.
A
l’Oldowayen, il y a un million d’année, jusqu’à
la période historique, c’était l’endroit
d’Afrique orientale le moins impropre à la vie.
Le
début du peuplement devrait dater de la fin de
la période pluviale abbassienne, au Paléolithique
moyen, c’est-à-dire vers 120 000-90 000 avant notre
ère.
Durant
le pluvial abbassien la culture acheuléenne se
diffuse probablement dans les zones occidentales. La fin
de l’Acheuléen marque une révolution technique
nette : le passage du biface à l’éclat.
Cette période s’étend jusque vers 30 000
av. JC et correspond aux civilisations moustérienne
et atérienne à l’économie de chasse.
- Chasseurs
et agriculteurs
Une
civilisation naît au Paléolithique moyen
vers 45 000 avant notre ère et disparaît
au Paléolithique récent vers 20 000, le
Khormusien (du nom de Khor Musa, non loin de Ouadi Halfa).
La désertification des zones sahariennes semble
avoir poussé les hommes vers la vallée.
Ce groupe combine la nourriture de la savane (bœuf sauvage,
antilope, gazelle) et le produit de la pêche. C’est
à cette époque que se fondent dans la vallée
du Nil les éléments de la future civilisation
des pharaons.
Entre
15 000 et 10 000, la culture du Dabarosa prend le relais
du Khormusien et le passage au microlithe s’accomplit
avec le Ballanien. Parallèlement en Nubie le Gemaïen
a remplacé le Halfien pour arriver à la
culture qadienne où l’on trouve traces d’une tentative
d’agriculture qui ne survécut pas au tournant du
Xe millénaire (le réel passage se fera au
milieu du VIe millénaire peut-être sous l’influence
du Proche Orient). Le type de sépulture et le matériel
retrouvé dans les tombes appréhendent un
style de vie présentant de nombreux points communs
avec les civilisations du Néolithique.
La
coupure essentielle entre Préhistoire et Histoire
se fait à la charnière du VIIe et du VIe
millénaire, période mal connue qui sépare
l’Epipaléolithique du Néolithique. Tout
semble concourir à une modification radicale de
la civilisation. Une nouvelle période subpluviale
favorise l’élevage et l’agriculture, les techniques
du tissage (lin), de poterie et de vannerie.
L’armement
se perfectionne : fines pointes de flèches
en silex poli, harpons d’os. L’organisation de la société
se fait sur une base agricole : l’habitat se fixe
sous forme de fermes destinées aussi bien à
l’élevage (bœufs, chèvres, porcs) qu’à
la culture (silos conservant le blé et l’orge).
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Les
sépultures s’installent hors du monde des vivants, à
la limite des terres cultivables. Le mort reçoit des
offrandes alimentaires et emporte avec lui mobilier et armes.
L’exploration
des sites néolithiques est loin d’être achevée,
ce qui ne permet pas de démontrer s’il existait un clivage
entre le Nord et le Sud du pays. Les sites du Nord possèdent
une industrie de la pierre supérieure (armes, vases)
alors que les sites du Sud se distinguent par la qualité
de la poterie incrustée et rouge à bord noir.
Mais ces différences sont peut-être dues au hasard
des découvertes.
Si
toutefois on postule pour une réelle séparation,
on peut penser que le processus d’unification se serait fait
en quatre étapes, des débuts du Chalcolithique
à l’époque thinite.
- Le
prédynastique " primitif "
La
première étape, le prédynastique "primitif ",
du milieu du VIe au milieu du Ve millénaire, voit le
dernier stade de l’évolution du Fayoum A dans le Nord
et du Badarien (d’après le site de Badari) dans le Sud.
Les
populations du Fayoum vivaient davantage de la pêche et
semblaient posséder une meilleure technique dans la fabrication
des vases de pierre et des armes et outils en silex.
On
remarque, durant cette période, une amélioration
du mobilier et du matériel agricole ainsi qu’une évolution
sensible des pratiques funéraires. Le défunt est
enterré à l’abri d’une peau animale et sa tombe
prend un aspect de plus en plus architectural. Les formes plastiques
naissent : les céramiques du Nord atteignent un
stade très achevé, des objets d’or et d’ivoire
apparaissent (peignes, cuillères à fard, figurines,
bijoux, amulettes à figures humaines ou animales).
Vers
4 500 avant notre ère, l’Amratien, deuxième étape
du processus d’unification, se fait sans modifications profondes.
Elle correspond à la première phase connue du
site d’El-Amra à environ 120 km au sud de Badari, en
plein cœur de cette région qui, d’Assiout à Gebelein,
recèle les gisements prédynastiques les plus riches.
Cette phase a pour correspondant, 150 km encore plus au sud,
la première occupation du site de Nagada (dite Nagada
I).
La
céramique connaît une double évolution :
dans la forme et dans le décor, avec des motifs géométriques
tirés du règne végétal et animal
peints ou incisés.
La
vallée s’ouvre sur l’extérieur par besoin de matières
premières : en Nubie, probablement par caravanes,
à l’Ouest en passant par les oasis, au bord de la mer
Rouge, dans le Sinaï…
L’exploitation
des carrières, localisées dans des zones éloignées
des terres cultivées, oblige les Egyptiens à organiser
de véritables expéditions au cours desquelles
ils doivent s’assurer le contrôle des lieux d’extraction
et des voies de transit. Cette contrainte déterminera
l’un des aspects majeurs de la politique extérieure des
pharaons afin de garantir ces zones contre les incursions de
peuples étrangers.
La
vaisselle de pierre trouvée à El-Amra prête
à penser que les relations entre les groupes culturels
du Nord et du Sud se sont intensifiés.
La
découverte de la culture d’El-Gerzeh a permis de déterminer
une troisième période, le Gerzéen, qui
correspond à la seconde phase de Nagada (ou Nagada II).
Par
rapport à la culture précédente (l’Amratien),
le Gerzéen diffère par la production d’une céramique
qui développe des motifs stylisés : géométrisants
pour reproduire des thèmes végétaux ;
naturalistes pour représenter la faune (autruche, bouquetins,
cervidés). De plus, les poteries et les palettes de fard
s’animent de personnages et de barques transportant des emblèmes
divins.
Les
tombes deviennent des répliques des demeures terrestres
comportant meubles, amulettes, figurines et objets d’apparat
décorés de thèmes représentant des
animaux (lions, taureaux et bovidés, hippopotames, faucons…)
qui symbolisent les divinités.
La
quatrième étape mesure l’influence du Nord sur
le Sud jusqu’à produire une culture mixte, le prédynastique
récent (Nagada III), qui précéda immédiatement
l’unification du pays et que l’on situe aux environs de 3 500
à 3 150 av. JC.
Ainsi,
les données archéologiques montrent que le passage
de la Préhistoire à l’Histoire est le résultat
d’une lente évolution et non d’un brusque bouleversement.
L’étude
des représentations nagadiennes sur vases permet de voir
le cheminement de la stylisation des végétaux
en passant par les animaux pour aboutir aux enseignes divines
qui sont déjà des hiéroglyphes. Il est
possible que les premières inscriptions procèdent
par représentation directe, la notation phonétique
ultérieure pouvant alors être considérée
comme un progrès technique.
L’écriture
égyptienne associe idéogrammes, phonogrammes et
déterminatifs. Les hiéroglyphes sont réservés
aux inscriptions lapidaires et plus généralement
murales et sont gravées, incisées ou peintes.
Pour les documents administratifs, comptables, juridiques ou
l’archivage des textes en général, on a recours
à une écriture cursive appelée "hiératique "
dont dériva, vers le VIIe siècle av. JC une nouvelle
forme appelée "démotique ". Le hiératique
est l’écriture utilitaire, la première que le
jeune scribe apprend à l’école en formant ses
lettres à l’aide du calame sur un tesson de poterie appelé
"ostracon " ou sur une tablette d’argile avec un stylet.
Le papyrus, plus coûteux, est réservé aux
textes importants. Sous l’influence grecque et romaine, l’écriture
évolue vers le copte, notation phonétique qui
deviendra l’écriture de l’Eglise et se maintiendra jusqu’à
nos jours comme langue liturgique.
Le
débat sur la constitution de la civilisation pharaonique
est loin d’être clos. D’un côté, les sources
égyptiennes semblent parler d’un triomphe du Sud sur
le Nord. D’un autre, les données archéologiques
permettent de suivre l’influence croissante des cultures du
Nord sur la Moyenne et la Haute Egypte.
La
documentation directe est essentiellement constituée
de palettes. Objets votifs, elles sont de deux types. Le premier
est fait de figures zoomorphes simples, le contour de la palette
représentant le corps de l’animal (tortues, poissons,
hippopotames…). Le second commémore des événements
et combine des figurations symboliques et des notations historiques
dans lesquelles l’homme apparaît.
Dans
toutes les compositions, il s’agit d’animaux redoutables symbolisant
la puissance animale que l’homme doit affronter et dominer.
En exemples : la palette "aux autruches " (Manchester),
la palette "de la chasse " (British Museum et Louvre).
Deux
palettes de Hierakonpolis (musée du Louvre) sont délimitées
par deux chiens affrontés entre les corps desquels évoluent
lions, cervidés, taureaux… dans un enchevêtrement
inextricable.
La
palette "aux vautours " (British Muséum et Ashmolean
Museum) relate un affrontement purement humain de manière
symbolique : un lion, image du pouvoir royal tout comme
le taureau, et des vautours, divinité tutélaire
d’Hierakonpolis, massacrent des guerriers de type nubien. De
même, la palette "aux taureaux " met en scène
un taureau en train d’écorner un individu de l’ethnie
du Nord.
Les
deux témoins de la phase ultime de la conquête
proviennent également de Hierakonpolis.
Le
premier est une tête de massue appartenant à un
roi coiffé de la couronne blanche du Sud qui aménage
un canal à l’aide d’une houe. Le nom du roi est indiqué
par un pictogramme figurant un scorpion.
La
palette de Narmer (musée du Caire) donne la dernière
étape. Au verso, le roi, dont deux hiéroglyphes
écrivent le nom – le poisson nar et le ciseau mer – fracasse
la tête d’un homme explicitement désigné
comme appartenant au royaume du Nord. Le recto affirme le triomphe
de Narmer : en bas, un taureau défonce une enceinte
crénelée en piétinant l’ennemi vaincu ;
en haut, le roi est coiffé de la couronne rouge du Nord.
Une autre tête de massue confirme cette victoire :
on y voit le roi recevoir l’hommage des captifs.
Ces
documents, appuyés à leur tour par d’autres, comme
la palette "du tribut libyen ", confortent l’hypothèse
de la constitution d’un état où l’on retrouve
déjà tous les éléments du pouvoir
pharaonique, de la religion à l’écriture en passant
par l’économie, l’habitat et les structures du gouvernement.
.
Chapitre
II : Religion et Histoire
Dès
l’époque prédynastique, les emblèmes ont
représenté les provinces composant le pays :
un
oryx sur un pavois représente la région de Beni
Hassan, un lièvre la province voisine d’Achmounein, un
dauphin celle de Mendès… Ils symbolisent peut-être
la divinité locale (les flèches et le bouclier
de la déesse Neïth pour Saïs, le sceptre-ouas
pour Thèbes, le reliquaire de la tête d’Osiris
pour Abydos) ou une structure politique (" muraille blanche "
figurant l’enceinte de Memphis).
Elles
sont au nombre de trois mais représentent les variations
politiques d’un seul et même thème : la création
par le soleil à partir de l’élément liquide.
La
cosmologie héliopolitaine est la plus ancienne. Au
début était le Noun, élément liquide
incontrôlé ou "chaos " qui, après la
création, reste cantonné aux fanges du monde organisé
qu’il menace d’envahir si l’équilibre de l’univers est
rompu. Il est le séjour des forces négatives et
de ce qui échappe aux catégories de l’univers :
les âmes en peine qui n’ont pas bénéficié
des rites funéraires appropriés ou les enfants
mort-nés. De ce chaos est issu le soleil "qui est venu
à l’existence de lui-même ". Son apparition
se fait sur une butte de terre émergeant de l’eau, symbolisée
par la pierre benben, objet d’un culte à Héliopolis.
Ce dieu, qui est son propre créateur, est alternativement
Rê, le soleil proprement dit, Atoum, l’être achevé
par excellence ou encore Khepri, représenté sous
la forme d’un scarabée.
Le
démiurge, en se masturbant, met au monde un couple, le
dieu Chou, le Sec, et la déesse Tefnout, l’Humide. De
l’union du Sec et de l’Humide naît un deuxième
couple : le Ciel Nout et la Terre Geb. Ils ont quatre enfants :
Isis et Osiris, Seth et Nephtys. Le second couple est stérile.
Le premier, qui est fertile, constitue le prototype de la famille
royale.
Osiris,
roi d’Egypte, est assassiné par son frère Seth,
contrepartie négative et violent de la force organisatrice
symbolisée par le pharaon. Il s’empare du trône
après sa mort. Isis, modèle de l’épouse
et de la veuve, aidée de sa sœur Nephtys, reconstitue
le corps dépecé de son mari. Anubis, le chacal
né des amours illégitimes de Nephtys avec Osiris,
embaume le roi défunt. Puis Isis donne le jour à
un fils posthume, Horus, homonyme du dieu solaire d’Edfou et,
comme lui, incarné par un faucon. Elle le cache dans
les marais du Delta à proximité de la ville sainte
de Bouto avec la complicité de la déesse Hathor,
la vache nourricière. L’enfant grandit, et après
une longue lutte contre son oncle Seth, obtient du tribunal
des dieux présidé par son grand-père Geb
d’être réintégré dans l’héritage
de son père qui lui se voit confier le royaume des morts.
A
ce schéma du règne des dieux se greffent de nombreuses
légendes secondaires.
Il
est peu question de la création même des hommes
qui semble contemporaine à celle du monde. Une exception,
la légende de "l’œil de Rê ". Le soleil perd
son œil. Il envoie ses enfants Chou et Tefnout à la recherche
du fugitif mais le temps passe sans que ceux-ci ne reviennent.
Il décide donc de remplacer l’absent. Entre-temps, l’œil
fugitif revient et se voit remplacé. De rage, il se met
à pleurer et de ses larmes (remout) naissent les hommes
(remet). Rê le transforme alors en cobra et l’accroche
à son front : il est l’ur³ us chargé de foudroyer
les ennemis du dieu.
Le
thème de l’œil endommagé ou remplacé connaît
plusieurs développement. Il sert aussi à expliquer
la naissance de la lune, second œil de Rê confié
à Thot, le dieu scribe à tête d’Ibis. Il
évoque également l’œil "sain " d’Horus. Celui-ci
en effet perdit un œil lors du combat qui l’opposa à
Seth pour la possession du royaume d’Egypte ; Thot le lui
aurait rendu et en aurait fait le prototype de l’intégrité
physique. C’est la raison pour laquelle il figure d’ordinaire
sur les cercueils où il garantit au mort le plein usage
de son corps.
Rê,
roi des dieux, doit lutter pour conserver son pouvoir que tentent
de lui ravir chaque nuit lors de sa course dans l’au-delà
des ennemis acharnés conduits par Apophis, personnification
des forces négatives.
D’autres
tentatives sont menées contre le roi des dieux. Par exemple,
Isis, la Grande Magicienne, tente de prendre le pouvoir sur
Rê en le faisant mordre par un serpent. Pour être
sauvé, il doit révéler à la déesse
ses noms secrets.
L’Egypte
possède aussi le mythe de la révolte des hommes
contre leur créateur qui décide de les détruire.
Il envoie sur terre son œil sous la forme de la déesse
Hathor. Celle-ci dévore en un jour une partie de l’humanité
puis s’endort. Rê, jugeant la punition suffisante répand
de la bière qui, mêlée aux eaux du Nil,
à l’apparence du sang. A son réveil, la déesse
lape ce breuvage et s’écroule, ivre. L’humanité
est sauvée mais Rê, déçu par elle,
se retire dans le ciel, sur le dos de la vache céleste
qui sera soutenue par le dieu Chou. Il remet l’administration
de la Terre à Thot et les serpents, insignes de la royauté,
à Geb.
La
cosmologie hermopolitaine : Hermopolis, aujourd’hui
Achmounein à environ 300 km du Caire, capitale du XVe
nome de Haute Egypte a élaboré sa propre cosmologie.
Le point de départ est le même qu’à Héliopolis :
un chaos liquide dans lequel s’ébattent quatre couples
de grenouilles et de serpents qui s’unissent pour créer
et déposer un œuf sur une butte émergeant de l’eau.
Ces couples sont chacun composé d’un élément
et de sa parèdre : Noun et Naunet, l’océan
primordial, Het et Hehet, l’eau qui cherche sa voie, Kekou et
Keket, l’obscurité, Amon, le dieu caché et Amaunet.
La
troisième cosmogonie est connue par un document unique
et tardif (règne du souverain kouchite Chabaka à
la charnière du VIIe et VIe siècle av. JC). Il
s’agit d’une dalle en granit provenant du temple de Ptah à
Memphis et conservée au British Museum. Elle combine
les éléments des deux précédentes
tout en reconnaissant au dieu local Ptah le rôle de démiurge.
La création se fait par combinaison de la pensée
et du verbe.
L’intégration
du mythe à l’Histoire est connue par les listes royales
qui reproduisent les données des cosmogonies (plus particulièrement
celle de Memphis) et évoquent l’Age d’Or durant lequel
les dieux ont régné sur Terre.
Au départ se trouve le fondateur Ptah dont le rôle
est proche de celui de Khnoum le potier qui a créé
l’humanité sur son tour avec de l’argile. Rê lui
succède. Il est le prototype de la royauté qu’il
cédera à Chou, l’air, séparateur de la
Terre et du Ciel. Suivront Geb puis Osiris. Enfin, c’est Horus
qui monte sur le trône. Le Canon de Turin donne ensuite
une séquence de trois dieux : Thot, Maât,
représentant l’équilibre, et un Horus dont le
nom est perdu. Neuf dieux leur succèdent et assurent
la transition vers le pouvoir des fondateurs humains. Le Canon
de Turin cite le premier "roi de Haute et de Basse Egypte " :
Meni (Ménès chez Eratosthène et Manéthon)
qui est peut-être Narmer ou le roi Scorpion. La pierre
de Palerme parle du roi Aha qui serait peut-être le "nom
d’Horus " de Narmer-Ménès.
.
Chapitre
III : La Période Thinite
Les
deux premières dynasties (3150-2700) qualifiées
de thinites par Manéthon, du nom de leur ville d’origine
supposée, This, non loin d’Abydos, commencent avec Aha.
On n’en connaît que ce que nous révèlent
la Pierre de Palerme et les tombes trouvées à
Memphis et à Abydos.
Si
Aha ne fait qu’un avec Narmer, c’est lui qui a fondé
la ville de Memphis et qui a introduit le culte du crocodile
Sobek dans le Fayoum ainsi que le culte du taureau Apis. On
suppose qu’il a organisé le pays nouvellement unifié
en menant une politique de conciliation avec le Nord. Si son
règne fut pacifique, il inaugure une série de
guerres qui mèneront ses successeurs contre les Nubiens
et les Libyens et entreprend le commerce avec la Syro-Palestine.
Le
règne de Djer amplifie la politique extérieure
du pays : expéditions en Nubie jusqu’à Ouadi
Halfa, peut-être en Libye et au Sinaï. Il poursuit
l’organisation du pays sur le plan économique et religieux,
fonde le palais de Memphis et se fait inhumer à Abydos.
A en juger par le mobilier funéraire trouvé dans
les tombes de ses contemporains, son règne a dû
être prospère.
Il
est probable que dans un premier temps, les Egyptiens utilisaient
un calendrier lunaire avant d’opter pour un calendrier fondé
sur un phénomène facilement observable, la crue
du Nil. Ils répartirent l’année en trois saisons
de quatre mois correspondant au rythme agricole déterminé
par la crue. La première est l’inondation (Akhet), la
deuxième la germination (Peret) et la troisième
la récolte (Chemou).Or le début de la montée
des eaux est observable à Memphis au moment du lever
héliaque de Sirius (le 19 juillet).
Le
phénomène était déjà observé
sous le règne de Djer : une plaquette d’ivoire datant
de son règne, sur laquelle est représentée
une vache couchée portant entre ses cornes une pousse
de plante, symbolise la déesse Sothis, l’étoile
de Sirius.
Le
successeur de Djer, Ouadji (Serpent) mena une expédition
vers la mer Rouge, dans le but probable d’exploiter les mines
du désert oriental.
Den
(Ousaphaïs chez Manéthon), le quatrième roi,
a laissé le souvenir d’un règne glorieux et riche.
Il mena une politique extérieure vigoureuse tournée
vers le Proche-Orient et une politique intérieure active.
Il est le premier à ajouter à sa titulature le
nom de " roi de Haute et de Basse Egypte (nysout-bity).
Le
règne de Den est évalué à près
d’un demi-siècle, ce qui explique la relative brièveté
de celui de son successeur Adjib , suivi par Selerkhet puis
par Qaâ qui clôture la Ire dynastie.
Le
pouvoir semble s’être déplacé vers Memphis.
Les trois premiers rois de la IIe dynastie se font enterrer
à Saqqara : Hotepsekhemoui (" les Deux Puissants
sont en paix "), Nebrê (" Rê est (mon)
maître ") et Nineter (" celui qui appartient
aux dieux "). Les successeurs de Nineter , Ouneg et Senedj
ne sont guère connus que par les listes royales et des
inscriptions sur vases provenant de la tombe de Djoser. Il se
pourrait que leur pouvoir se soit limité à la
région memphite. Le dernier a été contemporain
du roi Peribsen dont on connaît la sépulture à
Abydos, que lui aménagea son successeur local Sekhemib
(" l’homme au cœur puissant "). Ces éléments
invitent à penser que les relations entre les deux royaumes
se sont détériorées vers la fin du règne
de Nineter.
Les
choses changent avec Khâsekhemoui (" les Deux Puissants
sont couronnés ") qui réunifie le pays, et
entame une vigoureuse politique de construction. A la suite
de Manéthon, on arrête la période thinite
à son règne sans raison particulière. La
dynastie est déjà davantage memphite que thinite
et le règne de Khâsekhemoui voit la fin des affrontements
entre le Nord et le Sud ainsi que la mise en place définitive
des structures économiques, religieuses et politiques
du pays.
L’essentiel
des institutions est déjà en place. Le principe
de la transmission du pouvoir par filiation directe sur lequel
repose l’institution pharaonique fonctionne déjà.
De même, le roi porte désormais les trois noms
qui constituent la base de la titulature : le nom d’Horus
qui exprime la nature de l’hypostase du dieu héritier
du trône, celui du roi de Haute et Basse Egypte (nysout-bity)
et, depuis le roi Semerkhet, un nom de nebty qui est probablement
le reflet de la carrière du prince héritier antérieure
à son couronnement.
L’organisation
de la maison royale est désormais ce qu’elle sera dans
les siècles qui suivent. Le palais, construit en brique,
abrite en même temps les appartements privés, le
harem, et l’administration. Le roi assume théoriquement
l’ensemble du pouvoir et est assisté par de hauts fonctionnaires.
Une double institution, la chancellerie de Basse Egypte et celle
de Haute Egypte, se charge par l’intermédiaire de scribes,
du recensement, de l’organisation de l’irrigation et tout ce
qui touche au cadastre. Elle s’occupe de la collecte des taxes
et de la redistribution des biens qui sont versés à
des " trésors " et des " greniers "
spécialisés dans les céréales, les
troupeaux, la nourriture en général. Ces organes
du pouvoir central traitent avec des rouages locaux qui sont
répartis en provinces que les Grecs ont appelées
" nomes " et les Egyptiens sepat puis qâh (22
nomes pour la Haute Egypte, 20 pour la Basse Egypte) sous la
responsabilité des nomarques.
On
ne sait rien de l’organisation militaire du pays mais on peut
supposer que le système en vigueur par la suite est déjà
en place. On peut se faire une bonne idée de l’architecture
d’après les représentations de forteresses, le
plan de la partie fortifiée d’Abydos ou l’enceinte archaïque
de Hierakonpolis.
Pour
l’architecture civile, on est réduit essentiellement
aux pions de jeux représentant des maisons et aux représentations
des façades de palais trouvées dans les tombes.
Ces dernières constituent la principale source d’information
de l’art thinite : objets d’ivoire et d’os, la " faïence
égyptienne ", la céramique et les vases en
pierre. La petite statuaire est abondante et variée.
La grande statuaire, elle, est encore rugueuse et figée.
.
SECONDE
PARTIE : L'ÂGE CLASSIQUE
Chapitre
IV : L’Ancien Empire
- L’avènement
de la IIIe dynastie
Avec
la IIIe dynastie (2700-2625) commence l’Ancien Empire. Cette
période est peu connue.
La
liste des pharaons s’établit comme suit :
- Nebka
(cité dans le papyrus Westcar)
- Djoser,
l’Horus Netery-Khet
- Djoserti
ou Djoser(i)teti (cité dans le canon de Turin) dont
le nom d’Horus est Sekhemkhet. Il laisse une pyramide inachevée
à Saqqarah.
- Nebkarê
( ?) ou Néferka(rê), nom d’Horus Sanakht
( ?)
- Houni,
nom d’Horus Khâba ( ?)
- Un
pharaon du nom d’Horus Zahedjet attend d’être identifié
à un des pharaons précédents.
.
Djoser
a promu l’architecture en pierre : sa pyramide lance un
nouveau type architectural qui sera adopté par ses successeurs
jusqu’à la fin du Moyen Empire.
Le
roi comme son vizir sont plus connus par leur légende
que par les données historiques. Imhotep, grand prêtre
d’Héliopolis, prêtre-lecteur, architecte en chef
sera divinisé à la Basse Epoque.
.
Elle
est aussi peu connue que le début de la dynastie. Par
manque de documents explicites, les archéologues suggèrent
un ordre de succession fondé sur l’évolution architecturale
de la sépulture royale. On a découvert sur le
site de Zaouiet el-Aryan, à mi-chemin entre Gizeh et
Abousir, deux pyramides.
La
plus méridionale s’inspire nettement de celle de Djoser
et de Sekhemkhet à Saqqarah. Il est attribué à
l’Horus Khâba que l’on a rapproché du roi Houni
qui serait le dernier roi de la dynastie.
Il
reste à trouver une place à l’autre constructeur
de Zaouiet el-Aryan que les graffiti identifient comme l’Horus
Nebka(rê) ou Néferka(rê).
Premier
pharaon de la IVe dynastie, il eut un règne long (peut-être
40 ans) et glorieux et sera pris pour modèle par les
rois du Moyen Empire. Il entreprend des expéditions en
Nubie et au Sinaï et se fait construire au moins trois
pyramides : une sur le site de Méidoum, abandonnée
pour le site de Dahchour où il en a deux.
Le
site de Giza, dominé par les pyramides de Chéops
et de ses successeurs, reste la nécropole par excellence
de la IVe dynastie.
En
dehors d’une tradition littéraire de la première
Période Intermédiaire qui ne lui accorde pas une
bonne réputation, Chéops, en égyptien Khoufou,
abréviation de Khnoum-koue-foui (Khnoum me protège)
est peu connu.
Chéops
eut deux fils.
Djedefrê
(Didoufri) lui succède. Il est le premier à porter
dans sa titulature le nom de " fils de Rê "
et quitte Giza pour se faire enterrer à Abou Roach. Kaouâb,
le prince héritier, meurt avant son frère et c’est
Chéphren, le demi-frère de Djedefrê qui
prend la succession.
Chéphren
conserve le titre de fils de Rê en développant
l’affirmation de l’importance d’Atoum face à Rê.
C’est de son règne que date le premier exemple de sphinx
royal. Le grand sphinx de Giza porte son visage.
Son
fils, Menkaourê ou Mykérinos selon la transcription
d’Hérodote, lui succède.
Le
fils de Mykérinos, Chepseskaf, achève le complexe
funéraire de son père mais se fait enterrer à
Saqqarah. Il est le dernier roi de la IVe dynastie, celle des
grands bâtisseurs.
- Ouserkaf
et les premiers temps de la Ve dynastie
Durant
son court règne, Ouserkaf se fait construire non loin
du complexe de Djoser une modeste pyramide et inaugure la tradition
d’édifier à Abousir un temple solaire, réplique
de celui d’Héliopolis, ville dont se réclame la
nouvelle dynastie.
Le
nouvel ordre des choses est exprimé dans le nom d’Horus,
iry-maât, " celui qui met en pratique Maât.
Le pharaon se considère comme celui qui remet en ordre
la création.
C’est
également sous son règne que dateraient les rapports
de l’Egypte avec le monde égéen.
- La
suprématie héliopolitaine
La
Ve dynastie semble avoir ouvert l’Egypte sur l’extérieur,
vers le Nord et vers le Sud. Les reliefs du temple funéraire
du successeur d’Ouserkaf, Sahourê, montrent des représentations
de pays vaincus et le retour d’une expédition maritime,
probablement à Byblos avec des prolongements dans l’arrière-pays
syrien. On lui prête également une campagne contre
les Lybiens.
Le
règne des successeurs immédiats de Sahourê,
Neferirkarê-Kakaï, Rênéferef, Chepseskarê,
est peu connu.
Niouserrê
est connu par le temple funéraire édifié
à Abou Gourob, retrouvé presque complet et donnant
une idée de ce que devait être son modèle
héliopolitain.
Sous
son successeur Menkaouhor, un certain changement intervient.
Les fonctionnaires provinciaux et ceux de la Cour ne sont plus
nécessairement choisis parmi les membres de la famille
royale et gagnent en puissance et en autonomie, minant progressivement
l’autorité centrale.
Izézi
prend ses distances avec le dogme héliopolitain. Il ne
construit pas de temple solaire et se fait enterrer à
Saqqara-sud, plus près de Memphis. Durant son long règne,
il mène une politique extérieure : mines
du Sinaï et d’Abou Simbel, Byblos et le pays de Pount.
L’accroissement du pouvoir des fonctionnaires continue. Les
vizirs de l’époque, dont le plus célèbre,
Ptahhotep, connu par son Enseignement, ont laissé de
riches tombeaux.
Ounas
serait le dernier roi de la Ve dynastie. On arrête généralement
la période classique de l’Ancien Empire à son
règne, la décadence de la première Période
Intermédiaire débutant avec la VIe dynastie.
- Naissance
de la VIe dynastie
L’Ancien
Empire est à son apogée mais les féodalités
menacent le pouvoir central. S’y ajoute une nouvelle menace :
l’absence d’héritier mâle. Téti monte sur
le trône et, afin de légitimer son pouvoir, épouse
une fille d’Ounas qui lui donnera Pépi Ier. Il pratique
une politique de pacification et d’alliance avec la noblesse
et continue les relations internationales. Selon Manéthon,
il périt assassiné. Ouserkarê lui succède
mais son règne fut bref.
Pépi
Ier monte sur le trône très jeune et a un long
règne d’au moins quarante ans. Une conspiration dans
le harem laisse supposer que son règne ne fut pas facile.
Il
mène une politique de présence en ordonnant de
grands travaux dans les principaux sanctuaires de Haute Egypte :
Dendera, Abydos, Eléphantine, Hiérakonpolis.
Le
fils de Pépi Ier, Mérenrê Ier, poursuit
la politique de son père : exploitation des mines
du Sinaï, des carrières d’Eléphantines et
de Nubie. Il garde le contrôle de la Haute-Egypte et mène
des campagnes en Syro-Palestine et en Nubie.
A
sa mort, son demi-frère Pépi II lui succède
alors qu’il n’est âgé que de dix ans.
La
tradition veut que Pépi II ait gouverné durant
94 ans. Cette longévité entraîna probablement
la sclérose des rouages de l’administration ainsi qu’une
crise de succession.
La
liste royale d’Abydos mentionne un Mérenrê II qui
n’aurait régné qu’un an et serait l’époux
de Nitocris qui, selon, Manéthon, fut la dernière
reine de la VIe dynastie.
L’Ancien
Empire se termine par une période confuse durant laquelle
la désagrégation de l’administration centrale
s’accélère.
Celle-ci
est comparable à une pyramide au sommet de laquelle se
trouve le roi qui, en fait, ne traite que les affaires militaires
et religieuses. Pour l’essentiel, il passe par le vizir (tjaty).
Au
début de l’Ancien Empire, la fonction de vizir est confiée
à des princes de sang.
Le
vizir est en quelque sorte le chef de l’exécutif et a
compétence dans presque tous les domaines.
A
la même époque apparaît le " Chancelier
du Dieu " qui se charge des expéditions aux mines
ou aux carrières, des voyages commerciaux à l’étranger
et qui se voit attribuer une troupe armée.
Signe
d’affaiblissement du pouvoir central, la charge de vizir est
dédoublée sous Pépi II de façon
à coiffer séparément la Haute et la Basse
Egypte.
Du
vizir dépendent 4 départements de l’administration
auxquels s’ajoute l’administration provinciale :
- Le
Trésor, c’est-à-dire le " Double Grenier "
gère l’ensemble de l’économie et reçoit
l’impôt.
- L’agriculture
est subdivisée en deux ministères : le
premier s’occupe des troupeaux à travers deux " maisons ",
le second a charge des cultures proprement dites : le
" service des champs " et celui des terres gagnées
par l’inondation.
- Le
département des archives royales conserve les titres
de propriété et tous les actes civils (contrats
et testaments) ainsi que les textes des décrets royaux.
- Le
département de la justice applique les lois.
A
côté du gouvernement, l’administration locale repose
sur le découpage du pays en nomes dont l’administrateur
est avant tout chargé de l’entretien de l’irrigation
et de la conservation des domaines. C’est elle qui connaît
l’évolution la plus sensible durant l’Ancien Empire :
la charge des nomarques devient héréditaire en
fait.
De
Djoser à Nitocris, l’art a évolué. Les
représentations, à l’origine réservées
au roi et aux membres de la famille royale s’étendront
plus tard aux fonctionnaires.
Il
n’y a pas d’Art pour l’Art. L’art est affaire de fonctionnaires
et ne sert que deux buts : l’un politico-religieux exclusivement
réservé au roi, l’autre funéraire progressivement
conquis par les particuliers.
Le
souci est de reproduire la réalité tout en fournissant
un corps " habitable " pour l’éternité.
Le corps est traité de façon plus idéalisée
que le visage qui doit caractériser l’individu. De même,
les attitudes sont stéréotypées car elles
représentent une fonction.
Le
principe de " la combinaison des points de vue " veut
que chaque élément soit reconnu sans ambiguïté :
l’œil n’est reconnaissable que de face, le nez de profil, les
épaules se voient de face comme les mains alors que les
bras sont de profil et le bassin de trois quarts…
La
perspective n’est pas utilisée non plus.
La
technique de la sculpture est connue par les scènes qui
décorent les murs des mastabas et grâce à
la découverte d’un atelier dans l’ensemble funéraire
de Mykérinos.
Le
bloc est dégagé dans la carrière et dégrossi
sur place puis transporté vers l’atelier où les
contours sont affinés. Ensuite la statue est polie et
gravée.
Les
attitudes sont déterminées par la fonction. Le
roi est représenté assis sur un trône cubique
massif. Il est vêtu d’un pagne chendjit et porte sur la
tête les insignes de son pouvoir : couronne ou némès
et barbe postiche. Il est généralement seul, les
groupes étant rares.
A
partir de la IVe dynastie, le roi peut être montré
en train de célébrer le culte. A partir de la
VIe dynastie, le roi peut être représenté
enfant, peut-être à cause du jeune âge de
Pépi II lorsqu’il monta sur le trône.
A
la fin de la IVe dynastie se développe l’évocation
des liens familiaux et le style s’éloigne peu à
peu de la perfection. Les œuvres civiles se multiplient sous
les Ve et VIe dynasties et tendent vers un plus grand souci
de réalisme.
A
côté de la statuaire en pierre, il existe depuis
la IVe dynastie une tradition de travail sur bois.
Dans
les mastabas, la représentation est travaillée
directement sur la paroi de calcaire fin ravalée et préparée
par lissage. Les scènes sont dessinées au trait.
Au début, les sujets sont réservés et le
fond est entièrement rabattu. Dès Chéops,
on se contente de cerner les sujets par une incision profonde
donnant du relief.
Lorsque
la tombe se modifie et est creusée dans le sol, on égalise
la paroi à l’aide de plâtre sur lequel on peint
directement. Les thèmes réunissent toutes les
scènes évoquant la vie terrestre ou les funérailles
du mort.
.
Chapitre
V Les Conceptions funéraires
A
l’époque prédynastique, un tumulus symbolisant
le tertre originel recouvrait la fosse où était
enterré le défunt, entouré de quelques
objets personnels et d’une vaisselle plus ou moins importante
selon la fortune du propriétaire.
Au
cours des deux premières dynasties, on évolue
peu à peu vers le mastaba classique, à la fois
lieu de culte et reproduction de la demeure terrestre, limité
par des murs de briques à pilastres et redans donnant
l’impression d’une "façade de palais " en fausse
perpective. L’ensemble pouvait être entouré d’enceintes.
La
stèle qui servait depuis les premiers rois thinites à
rappeler le nom du défunt évolue et s’enrichit.
Réservée au départ aux rois, les hauts
fonctionnaires se l’approprient. Elle comporte, outre le nom
du défunt, l’offrande qui doit lui être servie.
A
cela se combine la "fausse porte " : une représentation
en fausse perspective permettant à l’énergie du
mort, son ka, l’accès au monde sensible d’où il
devait retirer les aliments nécessaires à sa survie.
.
- Les
éléments de la survie
Chaque
individu se compose de cinq éléments :
- L’ombre,
double immatériel.
- L’akh :
c’est la forme sous laquelle se manifeste la puissance des
dieux ou des morts, leur esprit. Elle permet au défunt
d’accéder aux étoiles lors de son passage dans
l’au-delà.
- Le
ka est la force vitale que possède chaque être
et qui doit être alimentée pour conserver son
efficacité. C’est elle qui permet au corps de reprendre
une vie semblable à celle qu’il menait ici-bas. Le
ka a besoin également d’un support, ce qui explique
que l’on s’applique à lui ménager des substituts
pour le cas où le corps se dégraderait. Ces
substituts sont entreposés dans un endroit précis
de la tombe appelé serdab.
- Le
ba (souvent appelé âme) est une sorte de double
de l’individu, représenté sous la forme d’un
oiseau à tête d’homme qui quitte la dépouille
au moment du trépas pour la rejoindre après
la momification.
- Le
nom est une seconde création de l’individu. Nommer
une personne ou une chose revient à la faire exister
par delà sa disparition physique.
- Les
premières pyramides
Djoser
fit évoluer la forme de la tombe royale du mastaba à
la pyramide.
Grâce
aux recherches de Jean-Philippe Lauer, on a pu reconstituer
les étapes successives du passage à la forme pyramidale.
- Au
départ, Djoser entreprit une sépulture classique.
Un grand puits de 28 m donne accès à un caveau,
à des galeries faisant office de magasins et à
un appartement funéraire décoré de faïences
bleues. Ce puits devait être bloqué, après
les funérailles, par un bouchon de granit.
L’ensemble
est surmonté d’une construction massive carrée
d’une soixantaine de mètres de côté sur
huit mètres de haut.
- Des
puits annexes furent creusés pour recevoir les membres
de la famille royale décédés entre-temps.
Pour dissimuler ces puits, on allongea le mastaba initial
vers l’est.
- Survient
alors une modification radicale. Imhotep englobe le mastaba
initial dans une pyramide à quatre degrés
puis reprend l’ensemble en le surélevant encore de
façon à obtenir une pyramide à six
degrés d’une soixantaine de mètres de haut.
Ce
type de construction est repris par l’Horus Sekhem-khet à
Saqqara même.
Les
pyramides de Zaouiet el-Aryan annoncent une nouvelle technique
dont le meilleur exemple est la pyramide de Snéfrou
à Meïdoum.
- La
première étape de la pyramide de Meïdoum
a probablement été constituée par un
mastaba surmonté d’une petite pyramide à degrés
qui la rapproche des pyramides de la IIIe dynastie. Par
contre, le plan carré, l’ouverture sur la face nord
ménagée dans la maçonnerie, l’aménagement
à la fois en infrastructure et dans le corps du monument
la lie davantage de la pyramide classique de la IVe dynastie.
- Le
noyau initial a été augmenté de six
tranches latérales qui forment une pyramide à
sept degrés.
- On
ajouta ensuite une ultime tranche et on ravala les huit
degrés en calcaire fin. Plus tard, on combla les
degrés et on mis en place un parement de calcaire
qui donna à l'ensemble l'aspect d'une pyramide "vraie"
avec une pente de 51°52’ pour un côté de 144,32
m et une hauteur de 92 m.
Snéfrou
fit une nouvelle tentative à Dahchour, avec la pyramide
"sud ". Les installations intérieures durent être
reprises et modifiées ainsi que la pente que l’on fit
passer de 54°31’ à 43°21’. Cette rupture lui valu le
nom de "pyramide rhomboïdale ". Cette pyramide apporte
une nouveauté importante : la fixation par assises
du revêtement qui est ainsi plus stable.
Le
roi fit une troisième tentative, toujours à
Dahchour, mais au nord du site : une nouvelle pyramide
établie sur une base plus importante présentant
dès le départ une pente de 43°36 dont le temple
funéraire est resté inachevé.
La
plus parfaite est celle de Chéops : 230 m de côté,
chaque côté étant orienté vers
un point cardinal, 146,59 m de haut elle était surmontée
d’un pyramidion. Pillée dès l’Antiquité,
il ne reste à l’intérieur qu’un sarcophage de
granit.
La
construction : Le choix du site se faisait en fonction
de la capitale, sur la rive occidentale du fleuve. Il fallait
un socle rocheux capable de supporter la masse des constructions.
Le site est alors nivelé. L’orientation se faisait
en fonction des côtés dirigés vers les
points cardinaux. Une partie des pierres pouvaient être
extraites des carrières locales. Le reste était
transporté sur des chalands durant les hautes eaux,
période où la main d’œuvre, surtout des paysans,
était disponible.
(Cfr.
Texte : description de Ouni pour le compte de Menenrê.
p.156)
En
ce qui concerne les techniques de levage, l’explication de
J.-Ph. Lauer semble la plus vraisemblable : utilisation
d’une ou plusieurs rampes dont on faisait varier la pente.
On trouve des traces de ce type de rampe en briques crues
à Karnak.
Les
pyramides des Ve et VIe dynasties, à l’exception de
Chepseska qui se fait construire à Saqqarah-Sud un
énorme mastaba, reprendront le modèle de Chéops
sans jamais égaler sa perfection ni sa taille.
Le
complexe de Djoser à Saqqarah (plan p. 161) :
L’entrée,
à l’angle sud-est, est la seule porte réelle
parmi les 14 réparties sur le pourtour de l’enceinte.
Suit
un couloir bordé de deux rangées de 20 colonnes
puis une salle hypostyle.
On
entre alors dans une grande cour située nord-sud qui
sépare la pyramide (au nord) de cénotaphe (au
sud).
De
là, on accède à un ensemble consacré
à la célébration de la fête-sed :
un temple en T, une cour bordée de chapelles et comportant
une estrade. Suivent une " Maison du Sud " puis
une " Maison du Nord " où le roi devait recevoir
les hommages des deux royaumes.
La
partie septentrionale comprend les installations du culte
funéraire proprement dit : un serdab où
se trouvait une statue de Djoser et le temple funéraire.
L’organisation
du complexe funéraire change à partir de la
IVe dynastie (plan p. 162) :
Il
comprend alors trois parties principales :
- la
pyramide et ses dépendances directes.
- Le
temple d’accueil ou temple de la vallée situé
à la limite des terres cultivées et qui recevait
le roi défunt.
- La
chaussée montante qui conduit au temple de culte
où les statues des défunts recevaient les
offrandes. Elle peut être couverte et décorée.
A
côté des pyramides, des fosses sont destinées
à recevoir des barques en bois.
- Le
temple solaire (plan p. 165)
Il
ne s’agit pas d’une sépulture mais sa structure est
proche de celle du complexe funéraire. Propre à
la Ve dynastie, tous ces temples se situent entre Abousir
et Abou Gourob. Celui de Niouserrê, que l’on sait le
mieux reconstituer, est sans doute construit sur le modèle
du temple d’Héliopolis.
Il
est constitué du temple de la vallée où
se célèbre le culte, en plein air, suivi d’une
rampe d’accès menant à la représentation
de benben, obélisque tronqué posé sur
un large podium, incarnation du soleil créateur.
Ounas
fixe le plan des installations intérieures du tombeau
selon un schéma qui restera en vigueur jusqu’à
la fin de l’Ancien Empire (voir schéma p.167). L’entrée
est au nord. On accède à un vestibule dont trois
herses de granit ferment le passage. Suit une antichambre
qui conduit, vers l’est au serdab où sont entreposées
les statues du défunt, vers l’ouest à la salle
du sarcophage.
La
pyramide d’Ounas est aussi la première dont les parois
intérieures portent des textes funéraires. On
les rencontre dans les tombeaux royaux de Saqqarah :
Ounas, Téti, Pépi Ier, Merenrê, Pépi
II et Aba.
Ils
influenceront les Textes des Sarcophages du Moyen Empire qui,
eux, ne sont plus réservés aux rois et qui,
à leur tour, influenceront les Livres des Morts du
Nouvel Empire et de la Basse Epoque.
Ces
formules constituent un rituel visant à assurer au
défunt le passage vers l’au-delà.
Les
sujets du roi disposent leur tombe à proximité
de sa sépulture. De véritables villes funéraires
se constituent ainsi, de manière hiérarchisée
(les plus nobles étant les plus proches de la pyramide).
Les
tombes des particuliers conservent à l’Ancien Empire
le type architectural du mastaba ( voir plan page 171).
On
ignore si, à l’époque, le corps était
momifié et il est probable que dans la majeure partie
des cas on faisait confiance à la dessiccation naturelle.
L’embaumement.
Les Egyptiens n’ont pas décrit dans le détail
le processus de l’embaumement. Ce que l’on en sait vient surtout
des auteurs grecs, Hérodote, Diodore, Plutarque ou
Porphyre, ainsi que de l’analyse des momies grâce aux
techniques modernes.
- Après
la mort, le corps était emporté dans une " Maison
de purification ". L’un des paraschistes (prêtres-chirurgiens)
incisait le flanc gauche et éviscérait le
cadavre. Les organes étaient embaumés, emmaillotés
et placés, jusqu’au début de la Troisième
Période Intermédiaire, dans des vases appelés
canopes placés sous la protection des fils d’Horus :
Amset, Hâpy, Douamoutef et Qebehsennouef. Par la suite,
sous forme de " paquets-canopes ", ils étaient
remis dans le corps. On laissait en place le cœur et les
reins.
- Une
fois le corps vidé, le taricheute le " salait "
en le plaçant dans le natron où il restait
environ 35 jours. Pour lutter contre le noircissement provoqué
par ce traitement, on teignait au henné certaines
parties du corps ou on les enduisait d’ocre, rouge pour
les hommes, jaune pour les femmes. On bourrait ensuite l’abdomen
et la poitrine de pièces de tissu imbibées
de gommes, d’aromates et d’onguents.
- Alors
commençait l’emmaillotage qui se faisait par étapes.
On entourait à l’aide de bandes de lin chaque membre.
L’ensemble du corps était ensuite recouvert d’une
grande pièce de tissu.
- Enfin,
un masque recouvrait l’emplacement du visage. Le plus souvent
en cartonnage, il pouvait être en or pour les grands
personnages. Ce masque se développe jusqu’à
devenir une " planche " recouvrant l’ensemble
du corps et reproduisant l’aspect d’un couvercle de sarcophage,
le stade ultime étant constitué par les " portraits "
du Fayoum.
Le
rituel était le même pour tous. La différence,
selon la condition sociale, variait dans le prix des amulettes
et les tissus employés.
A
partir du Nouvel Empire, on glissait souvent un Livre des
Morts entre les jambes de la momie.
La
momie est ensuite placée dans un sarcophage. A l’origine,
sa forme est carrée avec un décor en " façade
de palais ". A partir de la VIe dynastie, le sarcophage
commence à inclure du texte dont des chapitres des
Textes des Sarcophages. Le matériau et la forme évoluent
également.
Le
mobilier funéraire est constitué de chevet,
vaisselles et objets personnels.
Le
caveau est fermé d’une herse et le puits est bloqué
lors des funérailles. C’est la chapelle, qui se trouve
dans la superstructure, qui évolue le plus : augmentation
du nombre de pièces et ajout de niches.
Le
schéma de la décoration de la chapelle est à
peu près toujours le même. Le défunt accueille
les visiteurs dès la porte sur laquelle figurent ses
titres et son image.
Sur
la paroi occidentale se trouvent la ou les fausses portes
(celle du nord pour le défunt, celle du sud pour son
épouse, entre les deux, un décor végétal).
Sur
la paroi opposée se trouvent des scènes funéraires :
pèlerinage à Bousiris (côté nord)
et à Abydos (côté sud).
Sur
les parois nord et sud sont représentées des
scènes de la vie des domaines. De plus, sur la paroi
sud derrière laquelle se trouve le serdab des scènes
montrent l’encensement des statues.
Les
scènes des tombeaux nous informent sur les croyances
funéraires. Contrairement à son roi qui monte
au ciel, le simple particulier reste dans sa tombe. C’est
la proximité du dieu, donc du roi, qui garantit l’intégration
du défunt au monde divin. Cela explique pourquoi les
tombes des particuliers gravitent près de celle du
roi. Cela justifie aussi l’omniprésence du roi dans
la tombe même.
Les
thèmes décoratifs restent centrés sur
les réalités essentielles qui concernent le
mort : scènes de la vie quotidienne, cortège
funéraire, banquet funèbre…
.
Chapitre
VI : La lutte pour le pouvoir
La
délimitation appelée " Première
Période Intermédiaire " s’étend
sur un siècle et demi de la fin de la VIe dynastie
jusqu’à la victoire définitive de la dynastie
thébaine et la réunification de l’Egypte.
Elle
ne fut pas considérée comme telle par les contemporains
ni dans le découpage de Manéthon.
La
crise que connu l’Egypte est probablement liée à
plusieurs facteurs : la décadence du trop(?) long
règne de Pépi II, l’effondrement de la VIème
dynastie lors de la succession de Nitocris, des changements
climatiques, une période de famine et de violence…
Selon
Manéthon, la VIIème dynastie comprendrait 70
pharaons ayant régné chacun 70 jours. Cette
formulation traduit une période où de multiples
prétendants se disputaient le trône, probablement
après la mort de Nitocris (2140 av. JC).
On
attribue 17 rois à la VIIIème dynastie dont
cinq reprennent le nom de couronnement de Pépi II :
Néferkarê. Peut-être s’agit-il de ses fils
ou de ses petits-fils.
Le
Delta est aux mains d’envahisseurs venus de l’Est appelés
" Asiatiques " par les Egyptiens. Le pouvoir des
rois se limite à la région de Memphis.
- Hérakléopolitains
et Thébains
Avec
l’appui d’Assiout, les princes d’Hérakléopolis,
capitale du riche 20ème nome de Haute-Egypte,
s’arrogent le pouvoir. Méribrê Khéty Ier
fonde la IXe dynastie (2160-2130), suivie de la Xe dynastie
dont les rois se posent en successeurs de la lignée
memphite.
Cependant,
la Xe dynastie, contrairement à la IXe, ne prétend
plus au contrôle de tout le pays et reconnaît
l’existence de sa rivale thébaine en Haute-Egypte,
la XIe dynastie.
L’autobiographie
d’Ankhifi mentionne cette période d’opposition entre
les dynasties thébaine et hérakléopolitaine.
Nomarque d’Hiérakonpolis, Ankhifi dut lutter contre
les princes thébains lors d’un épisode
où le souverain d’Hérakléopolis, peut-être
Néferkarê VII, se heurte au fondateur de la dynastie
thébaine, Antef Ier (successeur de Antef " l’Ancien "
et de Mentouhotep Ier) qui devient maître du Sud.
Antef
II reprend la lutte dont le cadre se situe cette fois en Moyenne-Egypte.
L’opposition
entre le Nord et le Sud n’est pas une guerre constante mais
plutôt un état de paix précaire durant
lequel le pays réussit à vaincre la famine et
les troubles sociaux.
Le
souverain hérakléopolitain Khéty III
chasse les Bédouins et les Asiatiques du nord de l’Egypte
et réorganise l’unité du Nord.
Au
Sud, Thèbes est maîtresse de toute la Haute-Egypte
jusqu’au sud d’Assiout où se livrèrent les derniers
combats. La réunification finale y est réalisée
par le fils d’Antef III, Mentouhotep II qui ouvre le Moyen
Empire.
Face
à l’affaiblissement du pouvoir et de l’image de la
royauté, face à l’effondrement de certaines
valeurs de la société, l’angoisse et le pessimisme
qui en résultent s’expriment dans les œuvres littéraires.
L’enseignement
de Mérikarê que le roi Khéty III adresserait
à son fils date de la période hérakléopolitaine
et est connu par trois copies de la XVIIIe dynastie. On peut
établir un parallèle avec un autre Enseignement
attribué à Amenemhat Ier (XIIe dynastie)
:
- abondance
des citations littéraires supposant une vaste culture
livresque.
- le
père donne à son fils des directives pour
réussir sa vie et son métier : la transmission
du savoir de génération en génération
garantit l’ordre.
- remarquable
lucidité sur le métier du roi.
- préoccupation
de l’au-delà.
Le
Dialogue du Désespéré avec son Ba est
un constat désespéré d’un homme face
à une vie où règne la violence des méchants.
Le
Conte du Paysan est connu par des versions de la fin de la
XIIe et de la XIIIe dynastie. Il nous donne de précieuses
informations sur la société et la morale de
la Première Période Intermédiaire.
Un
paysan, sous le règne de Nebkaourê Khéty
II est victime d’un intendant cupide. Il demande justice au
gouverneur des domaines qui transmet sa supplique au roi.
Ce dernier le laissera plaider neuf fois avant de lui donner
enfin gain de cause lorsque le plaignant se remet, en désespoir
de cause, entre les mains d’Anubis.
- L’individu
face à la mort
Dans
les Textes des Sarcophages dont les premiers exemples apparaissent
à la fin de l’Ancien Empire, une idée nouvelle
se développe : le mort se retrouve devant le tribunal
d’Osiris. S’il a respecté l’équilibre incarné
par Maât, Osiris l’accueillera parmi les bienheureux.
Chaque
école développe sa propre tendance tout en maintenant
les canons memphites. De nouveaux matériaux, comme
le bois, sont utilisés.
.
Chapitre
VII : Le Moyen Empire
- Les
premiers temps de l’unité
Montouhotep
II prend la succession d’Antef III vers 2061. La pacification
durera plusieurs années et ne sera achevée que
vers l’an 30 de son règne.
Il
déplace la capitale à Thèbes, renforce
l’administration, se lance dans des entreprises de constructions
et renoue avec la politique extérieure de l’Ancien
Empire. Il met les frontières à l’abri de nouvelles
invasions d’Asiatiques et entreprend des campagnes en Nubie.
Il
meurt après cinquante et un ans de règne et
laisse à son successeur, son fils Montouhotep III un
pays prospère et unifié.
Montouhotep
III est assez âgé lorsqu’il monte sur le trône
et ne régnera que durant douze ans. Il poursuit le
programme de construction de son père, renforce la
protection des frontières dans le Delta oriental et
fait édifier des fortifications. Il mène une
expédition au pays de Pount et reprend l’extraction
de pierres dans le Ouadi Hammamat.
Sous
Montouhotep IV, dernier roi de la XIe dynastie, la situation
du pays est confuse. On sait par un graffiti du Ouadi Hammamat
qu’il y envoya une expédition de mille hommes.
L’expédition
de Montouhotep IV est conduite par son vizir Amenemhat qui
deviendra roi, non sans opposition.
En
l’an 20 de son règne, il associe son fils Sésostris
au trône. Cette pratique nouvelle sera appliquée
pendant toute la XIIe dynastie. Le dauphin joue le rôle
du bras de son père qui lui délègue l’armée.
Les efforts du roi se portent sur la Nubie où il mène
des expéditions.
Amenemhat
Ier est assassiné en 1962 à la suite d’une conspiration
ourdie par le harem. Sésostris Ier lui succède.
Cet événement marquera la littérature.
Le
Conte de Sinouhé : Sinouhé, au retour de
la campagne de Libye, apprend la mort du roi et, pour une
raison inconnue, prend peur et se réfugie en Syrie.
Les années passent et il se retrouve chef de tribu.
Mais la nostalgie le mine et il demande grâce à
Sésostris qui accepte son retour. Cette histoire morale
d’un fonctionnaire repenti et pardonné parce qu’il
a su rester loyal est l’une des œuvres les plus populaires
de la littérature égyptienne.
L’enseignement
d’Amenemhat Ier est un texte rédigé sur le modèle
de L’Enseignement pour Mérikarê. Son but est
surtout d’expliquer la légitimité du successeur
du roi assassiné.
Le
thème de l’ingratitude humaine est un rappel de la
révolte des hommes contre le Créateur. Le roi,
assimilé à Rê, transmet son pouvoir à
son successeur comme le démiurge le fit jadis lorsqu’il
se retira dans le ciel, dégoûté à
jamais de ses créatures.
La
prise de pouvoir de Sésostris Ier n’entraîna
aucun trouble et son long règne de quarante-cinq ans
fut pacifique. Il bâtit beaucoup. Se réclamant
de la tradition héliopolitaine, il adopte comme nom
de couronnement Néferkarê et reconstruit le temple
de Rê-Atoum d’Héliopolis. Son activité
s’étend aussi au temple d’Amon-Rê de Karnak :
de 1927 à 1937, H. Chevrier a pu reconstituer à
partir de blocs réemployés par Amenhotep III
dans le troisième pylône, un kiosque de fête-sed
de l’époque de Sésostris Ier.
Sésostris
Ier achève la conquête de la Basse-Nubie et installe
une garnison à Bouhen, sur la Deuxième cataracte.
Il contrôle le pays de Koush, de la Deuxième
à la Troisième Cataracte. Dans le désert
oriental, il exploite les mines d’or à l’est de Coptos
ainsi que les carrières de Ouadi Hammamat.
A
l’Ouest, il assure le contrôle des oasis du désert
de Libye.
Son
fils, Amenemhat II régna presque trente ans. La paix
continue sous son règne comme sous celui de son successeur,
Sésostris II.
L’Egypte
commence à jouer un grand rôle au Proche-Orient
et s’ouvre aux influences orientales qui commencent à
être sensibles dans la civilisation et dans l’art.
Après
une corégence de presque cinq ans, Sésostris
II succède à son père pour une quinzaine
d’années. Il entreprend l’aménagement du Fayoum,
oasis située à environ quatre-vingts kilomètres
au sud-ouest de Memphis et canalise le Bahr Youssouf, qui
se déversait dans le futur lac Qaroun, en construisant
une digue à Illahoun et en lui adjoignant un système
de drainage et de canaux. Le projet ne sera achevé
que sous Amenemhat III. Ces grands travaux ont provoqué
un nouveau déplacement de la nécropole royale
qui après être remontée à Dahchour
avec Amenemhat II s’installe à Illahoun.
Lorsque
Sésostris III monte sur le trône, il choisit
de mettre fin au pouvoir grandissant des dynastes locaux.
Il supprime la charge de nomarque et place la nouvelle organisation
du pays sous la direction du vizir en trois ministères
(ouâret) : un pour le Nord, un autre pour le Sud
et un troisième pour la " Tête du Sud ",
c’est-à-dire Eléphantine et la Basse-Nubie.
Chaque
ministère est dirigé par un fonctionnaire aidé
d’un assistant et d’un conseil (djadjat). Celui-ci transmet
les ordres à des officiers qui, à leur tour,
les font exécuter par des scribes.
Les
conséquences de cette réforme sont doubles :
la perte d’influence de la noblesse et l’ascension de la classe
moyenne.
Sésostris
III organise plusieurs expéditions en Nubie et fixe
la limite de son autorité à Semna. On ne connaît
qu’une campagne en Syro-Palestine contre le Mentjiou qui conduit
les Egyptiens à affronter les populations de Sichem
et du Litani.
Tout
comme son prédécesseur, Amenemhat III est respecté
de Kerma à Byblos. Durant ses quarante-cinq ans de
règne, il mène l’Egypte au sommet de la prospérité.
La paix règne à l’intérieur comme à
l’extérieur.
L’exploitation
des mines du Sinaï et des carrières est intense
et se traduit par de nombreuses constructions : en Nubie,
dans le Fayoum… Il se fait élever deux pyramides, une
à Dahchour, l’autre à Hawara.
Amenemhat
IV succède à son père vers 1798 après
une courte corégence. Le Fayoum reste sa préoccupation
première.
Amenemhat
IV règne un peu moins de dix ans. A sa mort, la situation
du pays tend à se dégrader. Peut-être
est-ce dû, comme ça a été le cas
à la fin de l’Ancien Empire, à la longueur des
règnes de Sésostris III et d’Amenemhat III,
chacun ayant eu un règne d’environ un demi-siècle,
conduisant à des difficultés successorales.
Comme à la fin de la IVème dynastie, le pouvoir
échoit à une reine, Néfrousobek, qui
pour la première fois est désignée comme
une femme pharaon. Les listes royales lui attribuent un court
règne de trois ans.
La
XIIIème dynastie, avec laquelle on fait commencer la
" Deuxième Période Intermédiaire "
semble être la suite légitime de la XIIème.
Rien ne donne l’impression d’une coupure brutale : le
pays ne s’effondre nullement durant le siècle et demi
qui précède la prise de pouvoir par les Hyksôs.
Le
Moyen Empire est l’époque où la langue et la
littérature atteignent leur forme la plus parfaite.
Tous les genres sont représentés.
L’Enseignement :
Maximes de Ptahhotep, Instructions pour Mérikarê,
Maximes de Djedefhor, Instructions pour Kagemni. C’est au
Moyen Empire que fut composé un des Enseignements les
plus répandus : la Kemit, c’est-à-dire
la " somme " achevée d’un enseignement dont
la perfection reflète celle de l’Egypte (Kemet, " la
(terre) noire "), elle-même image parfaite de l’univers.
La
Satire des Métiers a été composé
au début de la XIIe dynastie par le scribe Khéty,
fils de Douaouf. Il est connu par plus de cent manuscrits.
Dans
le genre politique : l’Enseignement d’Amenemhat Ier et
La prophétie de Néferti ; L’Enseignement
loyaliste, les Instructions d’un homme à son fils,
les Instructions au vizir.
C’est
la grande époque du roman : Le conte du Paysan,
le conte de Sinouhé, le conte du naufragé.
Les
grands récits mythologiques datent aussi de cette époque
mais sont connus par des versions plus tardives :
-
la légende de la Destruction de l’Humanité
-
le conte d’Isis et de Rê
-
le conte d’Horus et de Seth
Il
en est de même des grands drames sacrés :
le Drame du Couronnement, le Drame Memphite.
Le
courant pessimiste est représenté par le Dialogue
du désespéré avec son Ba et les Collections
de paroles de Khâkhéperrêséneb.
Il
faut encore citer l’hymnologie royale, la diplomatique, les
récits autobiographiques et historiques, la correspondance,
les textes administratifs qui sont abondamment représentés
ainsi que la littérature spécialisée :
traités de médecine, de mathématiques,
fragments gynécologiques, vétérinaires,
médico-magiques.
Notons
également le premier représentant des onomastica
découvert au Ramesseum : ces listes de mots qui
passent en revue les catégories de la société
ou de l’univers (noms de métiers, oiseaux, animaux,
plantes, listes géographiques, etc.) étaient
destinées à la formation des élèves
des écoles.
Les
œuvres littéraires du Moyen Empire témoignent
d’un raffinement qui allie la tradition de l’Ancien Empire
à une sobriété plus proche de l’humain.
Il est également sensible dans la production artistique,
quelle qu’elle soit, de l’architecture aux arts mineurs.
La
" chapelle blanche " que Sésostris Ier construisit
à Karnak offre une pureté de formes remarquable,
tout comme le temple de Qasr es-Sagha ou de Medinet Madi.
Nous
connaissons toutefois peu les constructions des rois du Moyen
Empire. On peut toutefois juger de leur qualité à
partir d’édifices funéraires et tout particulièrement
de celui de Montouhotep II à Deir el-Bahari. La reine
Hatchepsout reprendra ce modèle pour le temple qu’elle
fera édifier à côté.
L’originalité
de la recherche architecturale de Montouhotep reste liée
à Thèbes. En déplaçant la capitale,
ses successeurs renouent avec l’organisation memphite du complexe
funéraire. Ils choisissent des sites au sud de Saqqarah :
Licht, entre Dahchour et Meïdoum, où s’installent
Amenemhat Ier et Sésostris Ier. Le site de Dahchour
est également utilisé par les souverains de
la XIIIe dynastie.
Toutefois,
les deux rois qui se sont attachés à la mise
en valeur du Fayoum, Sésostris II et Amenemhat III
ont tenu à s’en rapprocher et se sont fait enterrer,
le premier à Illahoun, le second à Hawara.
L’emprise
de l’Ancien Empire marque fortement la statuaire royale même
si le roi n’est plus le dieu intangible et s’est humanisé.
Toutefois, elle évolue davantage que la statuaire privée
qui connaît peu de nouveautés.
La
seule réelle innovation est la statue-cube : un
personnage assis dont les jambes repliées vers le menton
forment un bloc d’où bientôt n’émergera
plus que la tête. Cette forme, née des recherches
géométrisantes de la Première Période
Intermédiaire offre un support commode au texte qui
les envahira à la Basse Epoque.
Le
Moyen Empire est considéré comme la période
classique par excellence de la civilisation égyptienne.
Et cela, même si sur le plan architectural, c’est la
bien moins connue. Ce jugement tient à la qualité
des œuvres qui nous sont parvenues.
.
Chapitre
VIII : L’Invasion
- La
" Deuxième Période Intermédiaire "
L’afflux
continu de main-d’œuvre asiatique, particulièrement
sous Amenemhat III permet l’implantation de populations dans
le nord du pays. Ces communautés tendront à
s’unifier pour occuper le territoire, provoquant le morcellement
du pays dont le pouvoir sera cantonné dans le Sud.
Cette
période peu connue qui n’est pas une période
historique en soi commence à la fin de la XIIe dynastie,
à la mort de Néfrousobek vers 1785, et se termine
avec la prise de pouvoir d’Ahmosis vers 1560, ouvrant le Nouvel
Empire.
La
XIIIe dynastie gouverne seule dans un premier temps puis entre
en compétition avec les princes de Xoïs et ceux
d’Avaris, dans le Delta, qui forment les deux dynasties hyksôs,
les XVe et XVIe, concurrentes de la XVIIe dynastie thébaine,
jusqu’à ce qu’Ahmosis les expulse. Les listes donnent
plus de cinquante rois pour la XIIIe dynastie.
La
XIIIe dynastie maintient la continuité avec la XIIe.
Les rois se font enterrer selon la tradition du Moyen Empire
et laissent des pyramides à Dahchour, à Saqqarah
et à Licht.
Les
positions de l’Egypte se maintiennent à l’extérieur,
en Nubie comme au Proche Orient.
- Neferhotep
Ier et Sobekhotep IV
Neferhotep
Ier reste 11 ans au pouvoir. Il doit avoir autorité,
le Sud mis à part, sur l’ensemble du Delta à
l’exception du 6e nome de Basse Egypte dont le
chef-lieu, Xoïs (Qedem, à proximité de
Kafr el-Cheikh) aurait été la capitale de la
XIVe dynastie, parallèle à la XIIIe dynastie
et à la dynastie hyksôs qui va bientôt
surgir à Avaris.
C’est
sous le règne du frère de Neferhotep Ier, Sobekhotep
IV qui gouverne le pays durant 8 ans, que la ville d’Avaris
(Hout-Ouret, " le grand château ") passe aux
mains des Hyksôs.
Le
nom de " hyksôs " est la déformation
grecque de celui que leur ont donné les Egyptiens :
heqaoukhasout, " les chefs des pays étrangers ".
Cette appellation s’applique en fait à tout étranger
et, ici, recouvre à peu près ceux que les Egyptiens
appelaient " Asiatiques ".
Si
la dernière étape de leur prise de pouvoir sur
le Nord est violente, la progression des Hyksôs d’Avaris
jusqu’au nord d’Héliopolis se fait progressivement
et prend presqu’un demi-siècle. Leur implantation semble
avoir été bien acceptée par la population.
Ils
fondent leur mode de gouvernement dans le moule politique
égyptien tout en conservant leur propre culture. Ils
adoptent l’écriture hiéroglyphique, sont de
grands constructeurs, maintiennent une religion " à
l’égyptienne " autour de Seth d’Avaris dont ils
se contentent d’accentuer les caractères sémitisants
et continuent à porter le nom de Rê dans leur
titulature.
Leur
présence laissera de profondes empreintes dans la civilisation
égyptienne. En matière militaire, ils introduisent
l’utilisation du cheval attelé et de nouvelles technologies
d’armement nées de l’industrie du bronze.
Salitis
gouverne pendant vingt ans, probablement depuis Memphis, un
royaume comprenant le Delta et la Vallée jusqu’à
Gebelein ainsi que les pistes caravanières qui permettent
de faire la jonction avec ses alliés nubiens. Cet état
de fait durera jusqu’au règne d’Apophis Ier. Il délègue
une partie de son autorité à une branche hyksôs
vassale, improprement appelée XVIe dynastie par Manéthon.
Parallèlement
naît à Thèbes une nouvelle dynastie, la
XVIIe, issue d’une branche locale de la XIIIe dynastie. Elle
est fondée par Rahotep. Pendant environ 75 ans, ces
rois règnent sur les huit premiers nomes de Haute Egypte,
d’Eléphantine à Abydos. Leurs ressources économiques
sont maigres mais ils maintiennent la civilisation du Moyen
Empire.
Le
contemporain hyksôs de Rahotep est Yaqoub-Har (ou Iaqoub-Baal),
successeur de Salitis. Il règne environ dix-huit ans
et reste en bons termes avec les trois rois de Thèbes
qui succèdent à Rahotep : Antef V " l’Ancien ",
Antef VI puis Sobekemsaf II, le mieux connu des rois de la
XVIIe dynastie. Son règne de seize ans est prospère.
Vers
1635/1633, pendant le règne de Sobekemsaf II, la XIIIe
dynastie s’achève et la XIVe ne lui survivra que deux
ou trois générations à Xoïs.
Du
côté des Hyksôs, Khyan succède à
Yaqoub-Har.
En
Nubie, un roi nommé Nédjeh prend le pouvoir,
installe sa capitale à Bouhen et règne d’Eléphantine
à la Deuxième Cataracte. Ce royaume, allié
aux Hyksôs, durera jusqu’à ce que Kamosé
s’empare de Bouhen.
Les
contemporains thébains de Khyan sont obscurs :
Djéhouty, Montouhotep VII, Nebiryaou Ier. Deux figures
se dégagent ensuite, celle d’Antef VII à Thèbes
et d’Apophis Ier du côté Hyksôs. Sous leurs
règnent, les deux royaumes vivent en paix et les échanges
sont nombreux.
A
la fin du règne d’Apophis Ier et durant celui d’Apophis
II commence la lutte ouverte avec Thèbes où
Taâ Ier, dit " l’Ancien " a succédé
à Antef VII. Il cède la place à Séqénenrê
Taâ II, dit " le Brave ". A sa mort, son fils
Kamosé monte sur le trône et s’assure les pistes
caravanières, coupant ainsi les communications entre
le Nord et la Nubie.
Ahmosis
reprend le combat contre les Hyksôs et la lutte s’échelonne
sur plusieurs années dans le Delta, conduisant successivement
à la prise de Memphis puis d’Avaris. La domination
hyksôs ne sera réellement anéantie que
lorsque les troupes égyptiennes s’emparent de la place
forte de Charouhen, base arrière des " Asiatiques "
dans le Sud-Ouest palestinien.
La
chronologie des deux derniers rois hyksôs est un peu
confuse : Aazehrê est le dernier de la XVe dynastie.
Apophis III clôt la branche vassale de la XVIe dynastie.
Après
avoir chassé les Hyksôs , Ahmosis entreprend
de reconquérir la Nubie. En vingt-cinq ans de règne,
il a achevé la libération de l’Egypte et ramené
ses relations internationales au niveau de ce qu’elles étaient
à la fin du Moyen Empire. Lorsqu’il disparaît,
son fils Amenhotep Ier lui succède.
.
TROISIÈME
PARTIE : L'EMPIRE
Chapitre
IX Les Thoutmosides
La
reconquête du pays est suivie de sa réorganisation.
Il semblerait que les structures administratives aient continué
à fonctionner dans les cadres établis au Moyen
Empire et que l’organisation des Hyksôs, au vu de la
prospérité du pays à leur époque,
devait être efficace. Il a donc suffit de reprendre
les cadres existant.
L’ouverture
sur le Proche-Orient continue et conditionne la reprise de
l’importation de matières premières : l’argent
et l’or d’Asie et de Nubie, le lapis-lazuli d’Asie centrale,
la turquoise du Sinaï…
Les
constructions religieuses et funéraires reprennent.
Amon thébain est privilégié au détriment
des cultes de Moyenne et de Basse Egypte.
- Les
débuts de la dynastie
Il
reste des incertitudes quant aux datations du début
de la XVIIIe dynastie.
A
la mort d’Ahmosis, son épouse Ahmès-Néfertary
assure la régence pour son fils, Amenhotep Ier, trop
jeune pour régner.
Amenhotep
Ier monte donc sur le trône probablement vers 1526.
Ses vingt et une années de règne sont pacifiques,
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
même si le Mitanni commence à remettre en cause
la domination égyptienne à proximité
de l’Euphrate.
L’essor
du pays se poursuit tant sur le plan économique qu’artistique
mais peu de réalisations de l’époque sont parvenues
jusqu’à nous. On ignore où se situe la tombe
d’Amenhotep Ier. Est-ce à Dra Abou’l-Naga ? Il
serait le dernier à avoir choisi ce site puisque son
successeur Thoutmosis Ier inaugure la nécropole de
la Vallée des Rois. La seule chose sûre est qu’il
apporte une modification radicale à la structure du
complexe funéraire en séparant la sépulture
du temple funéraire. Il sera suivi en cela de tous
ses successeurs qui construiront chacun sur la rive occidentale
de Thèbes leur " Demeure des Millions d’Années ".
Amenhotep
Ier ayant perdu son fils Amenemhat, c’est le descendant d’une
branche collatérale qui lui succède : Thoutmosis
Ier. Ce dernier confirme sa légitimité en épousant
Ahmès, la sœur d’Amenhotep Ier. De ce mariage naît
une fille, Hatchepsout, et un garçon, Aménémès,
qui ne régnera pas.
Hatchepsout
épouse son demi-frère, né d’une concubine,
qui monte sur le trône sous le nom de Thoutmosis II.
Thoutmosis II et Hatchepsout n’eurent pas d’héritiers
mâles mais une fille, Néférourê.
Par contre, le roi eut un fils d’une épouse secondaire :
Thoutmosis III qui épouse sa demi-sœur Néférourê.
Thoutmosis
Ier mène des expéditions militaires et établit
une stèle frontière au bord de l’Euphrate. En
Nubie, il a établi sa domination jusqu’à la
Troisième Cataracte.
Thoutmosis
II entretient cette domination par deux campagnes : l’une
en Nubie, l’autre en Palestine.
A
la mort de Thoutmosis II, Thoutmosis III est trop jeune pour
régner. C’est Hatchepsout qui va exercer la régence
avant de se faire couronner roi : officiellement, Thoutmosis
III n’est plus que son corégent.
Pour
justifier cette usurpation, elle met en quelque sorte son
époux Thoutmosis II entre parenthèses et s'invente
une corégence avec son père Thoutmosis Ier.
Ce " texte de la jeunesse d’Hatchepsout " se trouve
dans le temple funéraire qu’elle se fait construire
à Deir el-Bahari.
Parmi
les grandes figures du règne de la reine, il faut citer
Senmout qui reprend à Deir el-Bahari l’idée
générale du temple de Montouhotep II pour la
construction de celui d’Hatchepsout exécuté
par le Grand Prêtre d’Amon Hapousebeb. Notons également
le chancelier Néhésy qui dirige l’expédition
que la reine envoie vers le pays de Pount.
Hatchepsout
règne ainsi jusqu’en 1458, c’est-à-dire en l’an
22 de Thoutmosis III qui récupère alors son
trône.
- La
gloire de Thoutmosis III
A
la mort d’Hatchepsout, Thoutmosis III doit faire face à
une révolte des principautés asiatiques, coalisées
autour du prince de Qadech sous l’influence du Mitanni.
Il
ne lui faudra pas moins de dix-sept campagnes pour maîtriser
la situation. On peut suivre l’affrontement entre Egyptiens
et Mitanniens à travers les Annales que Thoutmosis
III fit graver dans le temple d’Amon-Rê de Karnak.
En
l’an 22-23, il part du Delta oriental, remonte par Gaza, atteint
la plaine de Megiddo, assiège la ville qui finit par
tomber et remonte vers Tyr.
Durant
les trois campagnes suivantes, il mène des tournées
d’inspection et brise la branche occidentale de la coalition.
De
l’an 29 à l’an 32, Thoutmosis III s’attaque au Djahy
et à Qadech. Il prend Oullaza et Ardata.
Lors
de la sixième campagne, l’année suivante, les
Egyptiens arrivent en Syrie par la mer ; remontent jusqu’à
Qadech puis se tournent à nouveau vers la côte,
marchent sur Simyra au nord de l’embouchure du Nahr el-Kébir
et se portent contre Ardata.
L’année
suivante, il mène une septième campagne, à
nouveau contre Oullaza dont la chute amène la soumission
des ports phéniciens.
En
l’an 33 commence une nouvelle phase des guerres d’Asie :
l’affrontement direct avec le Mitanni. Pour y arriver, il
fallait franchir la barrière naturelle qu’est l’Euphrate.
L’armée traînera des bateaux fluviaux à
travers la Syrie. Les Egyptiens atteignent Qatna à
l’est de l’Oronte puis franchissent l’Euphrate où Thoutmosis
III consacre une stèle commémorative à
côté de celle érigée naguère
par son grand-père. Il remonte vers le nord, ravage
la région de Karkémish puis retourne sur l’Oronte.
Les
neuf campagnes suivantes seront consacrées à
essayer de réduire les forces mitanniennes en Naharina.
La
fin du règne est plus calme : la suprématie
égyptienne est provisoirement reconnue au Proche-Orient
et les relations avec la mer Egée sont cordiales.
- Amenhotep
II et Thoutmosis IV
Thoutmosis
III laisse l’image d’un grand roi : le souvenir du franchissement
de l’Euphrate reste impérissable. Les campagnes de
Syrie serviront de toile de fond à un conte relatant
la prise de Joppé par le général Djéhouty.
La tradition lui reconnaît également le goût
pour la botanique et l’art de la littérature.
Deux
ans avant sa mort, il associe le fils qu’il a eu de sa seconde
épouse, Hatchepsout II Mérirê, Aakhépérourê
Amenhotep II, moins intellectuel que son père et davantage
porté sur les activités militaires et sportives.
Ce
dernier mène trois campagnes en Syrie, directement
dirigées contre le Mitanni , qui se soldent par la
perte de la zone comprise entre l’Oronte et l’Euphrate. Ce
seront les derniers affrontements avec le Mitanni. Sous Thoutmosis
IV, les relations changent du tout au tout. Le nouvel empire
hittite fondé par Tudhaliya II menace le Mitanni qui
tente alors un rapprochement avec l’Egypte.
La
paix règne en Nubie où Amenhotep II décore
en partie Kalabsha et poursuit les travaux entrepris par Thoutmosis
III à Amada. Il construit également en Thébaïde.
A
la mort d’Amenhotep II, Thoutmosis IV lui succède.
La stèle qu’il fait graver entre les pattes du sphinx
de Gîza relate que le grand dieu lui promit en songe
la royauté s’il le désensablait. Son règne
ne dura que neuf ans : le roi mourut prématurément
à l’âge d’environ trente ans.
- Amenhotep
III et l’apogée de la dynastie
Si
la peinture thébaine tend à son apogée
sous Thoutmosis IV, le règne d’Amenhotep III, en ouvrant
encore plus le pays aux influences orientales, atteint un
degré de raffinement qui restera inégalé
par la suite.
Amenhotep
III est le fils d’une concubine de Thoutmosis IV, Moutemouia.
Il monte sur le trône à l’âge de douze
ans et sa mère assure la régence. Il épouse
une femme d’origine non royale, la reine Tiy, fille d’Youya
et de Touya. Le frère de la reine, le divin Ay succédera
à Toutankhamon. L’influence de Tiy dans la conduite
des affaires fut importante. Elle met en avant pour la première
fois le rôle de la " Grande Epouse du Roi "
qui prend le pas sur la reine mère.
Le
règne d’Amenhotep III est marqué par la paix.
Son nom est attesté en Crête, à Mycène,
en Etolie, en Anatolie, au Yémen, à Babylone…
Le rapprochement égypto-mitannien est consommé
par le mariage d’Amenhotep III et de Gilu-Heba puis de Tadu-Heba(t),
filles de rois du Mitanni. Il épouse également
deux princesses de Babylone.
La
puissance montante de l’époque, ce sont les Hittites
qui vont prendre un ascendant décisif à la charnière
des règnes d’Amenhotep III et d’Amenhotep IV.
L’Egypte
est à l’apogée de son rayonnement et de sa puissance.
Amenhotep III est un des plus grands constructeurs que le
pays ait connu. Il couvre la Nubie de monuments, dans le Nord,
il construit à Athribis et à Bubastis. Il commence
les grands travaux du Serapeum à Saqqarah. Dans la
Vallée, il bâtit à Elkab, Souménou,
Abydos et Hermopolis. A Thèbes, il fait construire
à Louxor un temple censé être le " harem
méridional " d’Amon-Rê et fait consacrer
dans le temple de Mout, au sud de l’enceinte de Karnak, six
cents statues de la déesse Sekhmet. Sur la rive occidentale,
il se fait édifier un palais à Malgata et un
gigantesque temple funéraire dont il ne reste que deux
statues monumentales (appelées colosses de Memnon).
Il
meurt en l’an 39 en ayant peut-être associé,
dans les derniers temps, son fils au trône.
.
Chapitre
X : Akhénaton
- La
succession d’Amenhotep III
Amenhotep
IV, dont la corégence avec Amenhotep III est discutée,
règne seul à partir de 1378/1352 et se fait
couronner à Karnak, signe qu’au départ, il n’était
pas en lutte ouverte avec le clergé d’Amon-Rê.
Il entreprend d’ailleurs un programme de construction traditionnel.
Il
épouse sa cousine Nefertiti, fille de Ay et de Tiy
II, donc petite fille de Youya et Touya. Amenhotep IV et Nefertiti
forment un couple encore plus étroitement lié
politiquement que celui d’Amenhotep III et Tiy. Comme eux,
ils sont associés dans les cérémonies,
mais, chose nouvelle, l’art officiel les représente
dès le début dans des scènes familiales
jugées jusque là trop intimes pour être
montrées.
C’est
en l’an 2 de son règne qu’Amenhotep IV donne à
Aton la place qu’occupait Amon-Rê. En l’an 5 de son
règne, il procède à la fondation de la
nouvelle capitale qu’il appelle Akhetaton, " l’Horizon
du Disque " et marque le site de quatorze stèles
frontières.
Depuis
le début de la XVIIIe dynastie, la montée des
cultes héliopolitains tend à concentrer autour
de Rê la création et l’entretien de la vie, sans
toutefois écarter les autres dieux. Il serait donc
exagéré de parler de monothéisme mais
plutôt d’une fusion de compétences multiples
dans le Créateur par excellence qu’est le soleil.
Amenhotep
IV choisit d’en adorer l’aspect sensible, le Disque. Le résultat
donne un ton universaliste qui présente les apparences
du monothéisme.
L’originalité
d’Akhenaton est d’avoir fourni une image facile à appréhender
en évitant le détour par le clergé spécialisé,
seul capable de servir d’intermédiaire entre les hommes
et un dieu impénétrable. Aton permet la perception
immédiate du divin, par opposition à Amon, le
dieu " caché ".
Le
Disque est une forme du Créateur dont le roi est l’équivalent
terrestre. Il prend également en charge les morts,
même si Osiris reste à l’honneur.
L’impact
de cette réforme sur la population est quasiment nulle.
D’abord parce que la Cour se confine très vite à
Akhetaton. Ensuite parce que le peuple, écarté
de ce qui se passait dans les palais et les temples, continue
à vivre sur les bases religieuses traditionnelles.
L’originalité
de l’image d’Akhenaton est moins importante qu’on ne pourrait
le croire. Il conserve tout l’apparat phraséologie
de ses prédécesseurs. Ainsi, il se fait représenter
en train de massacrer des ennemis vaincus. Il ne touche pas
aux structures de l’administration. Sur le plan politique,
sa " révolution " renforce l’absolutisme
théocratique : le roi est l’intermédiaire
obligé entre les hommes et le Disque.
La
réforme a des effets dans deux domaines surtout :
l’économie et l’art.
Akhenaton
ferme certains temples ou limite leurs activités et
rattache les biens cléricaux à la Couronne.
La construction de la nouvelle capitale et des nouveaux temples
se fait au détriment de l’économie en général
et de l’économie divine en particulier.
Les
conséquences de l’atonisme sur les arts et les lettres
sont plus spectaculaires et plus durables. Une plus grande
liberté se manifeste dans les œuvres contemporaines,
surtout dans les compostions poétiques : hymnes
et litanies divins et royaux. La langue parlée est
introduite dans les textes officiels et dans les grandes œuvres.
Dès
le règne d’Amenemhat III, l’idéalisme officiel
cède le pas à un réalisme plus sensuel
qui n’hésite pas à souligner les formes du corps
par des techniques comme celle du " drapé mouillé ".
Ce traitement plus généreux des volumes apparaît
aussi dans le dessin où l’usage de la ligne est moins
rigoureux, l’emploi des couleurs plus souple.
La
mode évolue également : nouveaux costumes,
nouvelles coiffures…
Des
détails stylistiques sont caractéristiques de
la période : l’inclinaison de l’œil dans l’orbite
et l’étirement des lignes qui produira les fameux yeux
" en amendes " d’Akhenaton, les plis dans le cou,
les oreilles percées, etc.
Akhenaton
radicalise la tendance pour lui-même et sa famille dès
la deuxième année de son règne en poussant
le réalisme jusqu’à la caricature : l’affaissement
des chairs prend une apparence pathologique.
Au
fil des ans, le trait s’adoucit et, à la fin du règne,
les études d’après nature l’emportent, comme
la célèbre tête de Nefertiti de Berlin.
De
nouveaux thèmes apparaissent : l’image de la famille,
omniprésente dans toutes les scènes, y compris
et surtout celles du culte.
La
construction et la première occupation de la ville
se font entre l’an 5 et l’an 6 du règne d’Akhenaton.
En
l’an 12, la reine Tiy s’installe à la cour d’Armana.
Cette installation a été interprétée
comme la preuve qu’Akhenaton n’a régné seul
qu’à partir de cette date. Cette même année,
l’une des six filles du couple royal, Mékétaton,
meurt. Nefertiti semble jouer un rôle moins important
après l’an 12. Elle se serait même séparée
de son mari si l’on en juge que l’une de ses filles, Méritaton,
la remplace dans les cérémonies auprès
du roi.
Les
trois années de la fin du règne sont troubles :
le pays est livré aux persécutions anti-amoniennes
qui se traduisent par le martelage des noms du dieu, martelage
que subiront à leur tour Akhenaton et son dieu quelques
années plus tard.
Peut-être
y a-t-il eu une corégence avec Néfernéférouaton
Smenkhkarê qui a d’ailleurs été attesté
comme roi, son règne devant se situer entre ceux d’Akhenaton
et de Toutankhaton pour une durée possible de deux
ans. Le corps de Smenkhkarê a été retrouvé
dans une tombe qui lui a été consacrée
dans la Vallée des Rois. Tout indique qu’il s’agit
d’un réensevelissement hâtif. Dans cette tombe,
on a retrouvé d’autres restes qui sont peut-être
ceux de la reine Tiy.
On
pense généralement que toute la famille royale
a ainsi été transférée sous le
règne de Toutankhamon.
Il
est probable que Smenkhkarê puis Toutankhaton étaient
des cousins ou des neveux d’Akhenaton qui légitimèrent
leur montée sur le trône en épousant chacun
l’une des filles du roi.
Lorsqu’il
succède à Smenkhkarê, Toutankhaton est
âgé d’environ neuf ans. Il épouse la princesse
Ankhesenpaaton. Très rapidement, il quitte Amarna pour
Memphis. La ville d’Akhetaton est abandonnée après
seulement une trentaine d’années d’existence.
Le
retour à l’orthodoxie amonienne se fait sous Toutankhaton,
probablement sous l’influence du divin père Ay. Le
jeune roi commence par changer son nom en Toutankhamon. Il
meurt à environ dix-neuf ans sans avoir eu d’enfant
de son épouse Ankhesenamon : avec lui s’éteint
la lignée d’Ahmosis. Sa veuve supplie le roi hittite
Suppiluliuma de lui envoyer un de ses fils pour l’épouser
et en faire le pharaon d’Egypte. Le prince n’arrivera jamais
et l’union entre les empires hittites et égyptiens
ne se fera pas.
Ankhesenamon épouse
peut-être le vizir de son défunt mari, Ay qui,
lui-même, ne régnera que durant quatre ans.
La
réelle coupure dynastique a lieu lorsque le commandant
en chef de l’armée, Horemheb, prend le pouvoir et se
présente comme restaurateur de l’ordre établi.
Il
fut un grand constructeur, surtout à Karnak. Après
vingt-sept ans de règne, il sera enterré à
Thèbes, dans la Vallée des Rois. N’ayant pas
d’héritier mâle, Horemheb transmet le pouvoir
à un autre militaire, un général originaire
du Delta qui va fonder une nouvelle dynastie, celle des Ramsès.
.
Chapitre
XI : Les Ramessides
Ramsès
Ier n’est pas de sang royal mais provient d’une lignée
de militaires. Son nom d’Horus, " Celui qui confirme
Maât à travers les Deux Terres ", montre
sa volonté de continuer l’œuvre d’Horemheb. Son prénom,
Ramessou, " Rê l’a mis au monde " et son nom
de couronnement, Menpehtyrê, " stable est la puissance
de Rê " soulignent sa relation privilégiée
avec Rê.
Afin
de retrouver les racines de la théocratie et afin d’éviter
que le clergé thébain reprenne trop de poids,
le pouvoir s’installe à Memphis.
Après
deux brèves années de règne, son fils
Séthi Ier lui succède. Il mène une politique
d’équilibre. La résidence royale est à
Memphis mais Thèbes reste la capitale. Il promotionne
le dieu Seth d’Avaris et (re)construit le sanctuaire de Rê
à Héliopolis. Il entreprend à Karnak
la construction d’une partie de la salle hypostyle qui sera
achevée par Ramsès II et, en Nubie, celle du
temple de Gebel Barkal.
L’œuvre
principale de son règne est sa politique extérieure.
A la fin de l’époque amarnienne, toute la Palestine
est hostile à l’Egypte. Une première campagne
lui permet de pacifier la Palestine et d’avancer jusqu’au
Liban. L’année suivante, son armée avance jusqu’à
Qadech et pacifie la région d’Amourrou. Une troisième
campagne est organisée contre les Libyens. On sait
peu de choses de la quatrième expédition contre
les Hittites : la zone d’influence égyptienne
s’arrête au sud de Qadech et le roi Mouwatalli passe
un accord de paix avec son rival.
Il
poursuit l’exploitation des mines de turquoise du Sinaï
dont l’activité avait repris sous Ramsès Ier
et met en valeur les mines d’or du désert d’Edfou et
de Nubie.
Dans
l’art, son style caractéristique reste assez proche,
par la finesse et le modelé, de l’art amarnien. Ces
qualités se retrouvent dans son hypogée de la
Vallée des Rois, dans le temple funéraire de
Gourna et surtout dans celui d’Abydos et dans l’Osireion,
le tombeau d’Osiris, qu’il fait édifier à proximité.
- Ramsès
II et l’affrontement égypto-hittite
Ramsès
II succède à son père vers 1304 ou 1279-1278.
Son règne est de loin le plus glorieux et le mieux
connu.
Dès
l’an 2 de son règne, Ramsès II défait
en combat naval un raid de pirates chardanes qu’il incorpore
à son armée.
Les
combats égypto-hittites ne commencent qu’en l’an 4
par une première campagne en Syrie. L’année
suivante, les Egyptiens remontent jusqu’à Qadech où
se déroule l’une des batailles les plus célèbres
de l’histoire du Proche-Orient ancien. Considérée
comme le plus haut fait de son règne, Ramsès
II la fait relater sur les murs de ses temples : à
Abydos, en trois endroits du temple d’Amon-Rê de Karnak,
deux fois à Louxor, au Ramesseum et à Abou Simbel.
Sans oublier les versions sur papyri.
La
victoire de Ramsès II est plutôt un accord de
paix : Ramsès a seulement sauvé son armée.
A peine a-t-il le dos tourné que Mouwatalli destitue
le prince d’Amourrou, mettant fin à l’existence de
la province d’Oupi et créant un véritable glacis
anti-égyptien en Syrie.
Pendant
ce temps, la situation évolue entre les Hittites et
l’Assyrie. Adad-Nirari Ier soumet le Hanilgalbat, c’est-à-dire
le cœur du Mitanni, entre le Tigre et l’Euphrate, qui était
passé du côté de Mouwatalli.
De
son côté, Ramsès II doit faire face à
l’Ouest à des incursions libyennes qui le contraignent
à édifier une chaîne de forteresses pour
contrôler les déplacements des nomades.
En
l’an 7 de son règne, il lance à nouveau une
campagne en Syrie et conforte ses positions par une nouvelle
campagne en l’an 8-9.
L’empire
hittite, menacé de l’extérieur par l’Assyrie,
doit faire face à une crise dynastique à la
mort de Mouwatalli, opposant un bâtard, Urhi-Teshub,
au frère du roi Hattusili III.
C’est
le tournant des relations égypto-hittites. En l’an
21, Ramsès II signe avec Hattusili III le premier traité
d’Etat à Etat de l’Histoire, dont un double était
conservé dans les deux capitales, transcrit dans la
langue de chacun des deux empires. Ce trait fonde une paix
durable puisque tout au long du règne de Ramsès
II, les deux pays ne s’affronteront plus. Ramsès II
épouse même deux princesses hittites.
Le
règne de Ramsès II est aussi une date possible
pour l’Exode. La présence des Apirou est bien attestée
en Egypte sous Ramsès II. Aucune révolte n’est
signalée nulle part. Aucune source égyptienne
ne décrit non plus l’Exode, ce qui n’est pas étonnant,
les Egyptiens n’avaient aucune raison d’y attacher la même
importance que les Hébreux.
Le
seul document sur lequel on se fonde pour parler d’un royaume
d’Israël naissant est une stèle datant de l’an
5 de Meneptah sur laquelle apparaît le nom d’Israël.
On possède deux points de repère : le séjour
du peuple Elu dans le désert qui a duré quarante
ans, soit au moins une génération, et la prise
de Jéricho qui intervient après la mort de Moïse.
Ce dernier événement donne 1250 comme terminus
ante quem.
L’Histoire
pourrait alors être reconstituée à peu
près ainsi : Moïse a probablement reçu
l’enseignement d’Etat destiné aux futurs fonctionnaires
sous Horemheb. Il est de retour parmi les siens sous Séthi
Ier. Le meurtre du surveillant, la fuite au pays de Madian,
le mariage de Moïse et les épisodes de la Révélation
et du Buisson Ardent jusqu’au retour en Egypte nous conduisent
aux premières années de Ramsès II. Le
refus du roi de laisser les Hébreux partir en retraite
dans le désert est alors compréhensible, la
zone étant, surtout entre l’an 2 et l’an 8 de son règne,
particulièrement peu sûre.
Dans
le Sud, rien ne vient troubler la paix sauf une révolte
d’Irem en l’an 20 durement réprimée. La domination
égyptienne s’étend sur toute la Nubie, dont
les mines alimentent le Trésor. Ramsès II assoit
son pouvoir en développant les installations existantes
et en faisant construire plus de sept temples entre la Première
et la Deuxième cataracte.
- Beit
el Wali : petit spéos contenant bon nombre de
scènes militaires (reconstruit à côté
de Kalabcha).
- Derr :
spéos consacré à Rê et à
Amon-Rê de Karnak.
- Gerf
Hussein : hémispéos où on adorait
Ptah, Ptah-Tatenen et Hathor associé à Ramsès
" le Grand Dieu ". Une allée de sphinx
criocéphales conduit à un pylône qui
donne accès à une cour à péristyles
contenant des colosses osiriaques. La face occidentale de
cette cour constitue un second pylône qui est sculpté
dans la façade de la montagne. On accède ensuite
à une salle à colosses osiriaques.
- Les
temples d’Abou Simbel sont édifiés sur le
même plan que celui de Gerf Hussein. Construits entre
l’an 24 et l’an 31 du règne de Ramsès II et
consacrés, le grand au roi associé à
Amon-Rê, Ptah et Horakhty, le petit à la reine
Nefertari associée à Hathor.
- Ouadi
es-Séboua : Ramsès II restaure le temple
construit par Amenhotep III qui avait été
endommagé par les persécutions atoniennes
et construit un autre temple, consacré à Rê
et à lui-même divinisé. En réalité,
il s’agit d’un culte de son " image vivante en Nubie "
qu’il installe également à Akcha, en l’associant
à celui d’Amon et de Rê.
Ce
culte a un parallèle en Egypte dans celui des statues
du roi qui étaient disposées en avant des temples
et étaient l’objet d’une adoration selon un rituel
propre, avec des installations particulières. Il ne
s’agissait pas réellement d’une divinisation du roi
mais de son adoration comme hypostase divine : le culte
ne s’adressait pas à un individu mais à la manifestation
de la divinité qu’il représentait.
Il
construit aussi à Amara-ouest et termine la construction
de la ville fondée par Séthi Ier, " la
Maison de Ramsès-Miamon " qui sera à la
XXe dynastie le siège du gouvernorat de Kouch.
L’extension
de "l’Empire" égyptien de la Cinquième Cataracte
à la Syrie du Nord a certainement été
l’une des raisons profondes de l’abandon de Thèbes
comme capitale, trop excentrée par rapport aux nécessités
de la politique extérieure au profit d’un site du Delta
oriental, plus proche des voisins asiatiques.
Pi-Ramsès
a été localisée sur le site de l’ancienne
Avaris. Séthi Ier y construit un palais mais c’est
Ramsès II qui décide d’en faire sa capitale
et entreprend la construction de la ville proprement dite.
La ville restera la capitale jusqu’à la fin de l’époque
ramesside puis sera abandonnée au profit de Tanis à
la XXIIe dynastie sans doute à cause d’un déplacement
de la branche pélusiaque du Nil et servira de carrière
de pierres pour la construction de la nouvelle capitale.
Ramsès
II fait disparaître les dernières traces de l’épisode
amarnien en laissant démolir Akhetaton pour construire
et agrandir la ville d’Hermopolis.
Il
se fait également construire, sur la rive ouest de
Thèbes un temple funéraire, la " Demeure
des Millions d’Années unie à Thèbes "
appelé Ramesseum.
Le
Ramesseum donne une idée du plan traditionnel du temple
égyptien qui n’est pas un lieu de recueillement pour
les fidèles mais seulement la demeure du dieu. La disposition
générale des bâtiments suit un axe qui
va de l’entrée au sanctuaire. Ce cheminement permet
une approche graduelle du divin : il ménage des
étapes correspondant aux niveaux successifs de pureté
nécessaires pour approcher le dieu et est matérialisé
par un passage progressif de la lumière à l’ombre
qui devient ténèbres dans le saint des saints
où repose le dieu. Dans le même temps, le sol
s’élève lentement pour atteindre son point culminant
sous le naos.
La
cour donne accès à une salle hypostyle, la per-douat,
dont les plafonds sont reliés par des fenêtres
à claustra qui diffusent une lumière atténuée.
C’est là que le seul officiant admis auprès
du dieu, le roi, remplacé dans la pratique par un grand
prêtre, se purifie.
Il
accède ensuite à l’adyton, " le lieu inaccessible ",
c’est-à-dire au naos qui peut être précédé
ou non d’une salle d’offrandes.
Cet
ensemble est complété, en avant du temple, par
un quai débarcadère destiné à
accueillir la barque divine lors des processions.
Cette
organisation n’est pas limitative et peut connaître
des extensions. Ainsi, celles du temple de Louxor ont doublé
son plan originel et Karnak est devenu une véritable
ville.
Ramsès
II meurt après l’un des plus longs règnes qu’ait
connu l’Egypte, laissant un pays au sommet de sa puissance
et de son rayonnement culturel mais aussi une famille en proie
aux difficultés successorales. Il a en effet enterré
bon nombre de ses fils : Sathorképechef, Ramesses
puis Khâmeouaset, le prince archéologue restaurateur
des monuments memphites. C’est Mineptah qui montera sur le
trône à la mort de son père. La momie
de Ramsès II, enterré dans la Vallée
des Rois, finira dans la Cachette de Deir et-Bahari.
- La
difficile succession de Ramsès II
La
montée sur le trône de Meneptah ne semble pas
avoir posé de problèmes puisqu’il avait été
désigné de son vivant par son père. Il
règne un peu moins de dix ans et a un fils, Séthi
Mérenptah, le futur Séthi II.
Mineptah
conserve Pi-Ramsès comme capitale mais accroît
le rôle de Memphis. On trouve trace de son activité
au port d’Héliopolis, à Heromoplis, à
Es-Sirirya où il consacre un spéos à
Hathor et construit un autre sanctuaire que Montouhotep II
avait consacré à Hathor de Dendera. Il se construit
également un temple funéraire avec les matériaux
provenant de celui d’Amenhotep III à Thèbes
avant d’être enterré dans la Vallée des
Rois.
Le
grand événement de son règne a trait
à la politique extérieure. En Asie, il bénéficie
encore des effets du traité égypto-hittite de
l’an 21 du règne de Ramsès II. Il est contraint
de monter une expédition contre Askalon, Gezer et Israël.
Il doit aussi mater une rébellion dans le pays de Kouch.
La
Libye commence à jouer un rôle grandissant en
Méditerranée. Des populations venues de Méditerranée,
poussées vers le Sud par les vagues indo-européennes
et désignées sous le nom générique
de " Peuples de la Mer " tentent un raid contre
l’Egypte à la fin de l’an 5 de Mineptah. La seconde
vague viendra vingt ans plus tard, sous le règne de
Ramsès III.
Les
quinze dernières années de la dynastie sont
très confuses. A la mort de Mineptah éclate
une crise de succession. Amenmès, qui serait le fils
d’une fille de Ramsès II inconnue par ailleurs, Takhâyt,
prend le pouvoir. Ce roi aurait régné cinq ans
mais, comme il a été considéré
par la suite comme un usurpateur, il est difficile de suivre
sa trace sur les monuments.
Amenmès
est remplacé par Séthi II, héritier légitime
de Mineptah, qui règne six ans et semble maintenir
le pays dans un calme relatif. Il épouse trois reines.
La première, Takhat II, ne semble pas lui avoir donné
d’héritier. La deuxième, Taousert, lui donne
un fils qui meurt avant son père. C’est le fils de
la troisième reine, le prince Siptah, qui monte sur
le trône. Trop jeune pour exercer le pouvoir, sa belle-mère
Taousert prend la régence du pays avec l’aide du chancelier
Bay, laissant dans la mémoire collective un mauvais
souvenir. A la mort de Siptah, Taousert règne peut-être
encore deux années.
Le
roi suivant, Sethnakht, déclare avoir chassé
l’usurpateur et est présenté comme le réorganisateur
du pays. Le changement de dynastie n’a pas dû se faire
de manière brutale puisque Sethnakht maintient en place
le vizir et le vice-roi de Kouch. Le fils qu’il a de la reine
Tiymérenaset et qui va lui succéder sera le
dernier grand roi du Nouvel Empire.
Ramsès
III prend pour modèle Ramsès II et l’Egypte
retrouve pour la dernière fois sous son autorité
une puissance certaine au Proche-Orient.
Les
Libyens, repoussés par Mineptah, reviennent à
la charge dans le Delta occidental. Ramsès III les
vainc et intègre une partie de leurs troupes à
l’armée égyptienne. Une nouvelle vague déferle
six ans plus tard, en l’an 11 de son règne. C’est une
nouvelle victoire égyptienne et les Libyens sont emmenés
en captivité avec femmes et enfants. Ainsi, peu à
peu, des communautés libyennes se constitueront dans
le pays. Regroupées en chefferies égyptiannisées,
elles prendront en main le pouvoir quand l’Etat sombrera à
nouveau dans l’anarchie.
En
l’an 8, entre les deux guerres libyennes, Ramsès III
doit affronter une nouvelle invasion des Peuples de la Mer
auxquels se sont joints les Philistins. Ramsès III
les rencontre dans une bataille navale qu’il relate sur les
murs de son temple de Médinet-Habou.
Outre
son temple funéraire, Ramsès III fait des travaux
à Louxor et surtout à Karnak. Il aurait également
construit à Pi-Ramsès, Héliopolis, Memphis,
Athribis, Hermopolis, Assiout, This, Abydos, Ombos, Coptos,
Elbak, en Nubie, en Syrie…
Après
l’an 12 de son règne, des difficultés politiques
et économiques surgissent. Le roi limoge son vizir
et doit veiller à la régularité du service
des rations versées aux temples. Dans la communauté
de Deir el-Médineh, les salaires ont deux mois de retard,
provoquant la première grève connue.
Ces
difficultés, dues à des causes économiques,
trahissent également un affaiblissement du pouvoir
de l’Etat face aux clergés et aux domaines des temples.
De plus, les querelles dynastiques se poursuivent. Le règne
se termine par une conspiration fomentée dans le harem
par une seconde épouse, Tiy, pour mettre sur le trône
son fils, Pentaouret. Les minutes du procès intenté
aux conspirateurs sous le règne de Ramsès IV
sont parvenues jusqu’à nous.
Ramsès
III s’éteint après trente-deux années
de règne. Sa momie retrouvée dans la Cachette
de Deir el-Bahari est celle d’un homme de soixante-cinq ans
environ qui semble mort de mort naturelle.
Huit
rois lui ont succédé en un peu moins d’un siècle.
Tous portent le nom de Ramsès. Ramsès IV succède
à son père et règne durant neuf ans.
- Les
artisans de Deir el-Médineh
La
communauté d’artisans de Deir el-Médineh, bien
qu’il s’agisse d’une société repliée
sur elle-même et limitée, puisqu’elle comprend
au plus cent vingt travailleurs et leur famille, soit une
collectivité de plus de mille deux cents personnes,
est une source documentaire de première importance
pour l’époque ramesside, tant pour notre connaissance
de l’urbanisme, des coutumes sociales et funéraires,
de la littérature que de la vie du pays en général.
Le
village est fondé par Thoutmosis Ier quand la Vallée
des Rois entre en service. Il comprend une soixantaine de
maisons entourées d’une muraille auxquelles il faut
ajouter cinquante autres, construites en dehors de l’enceinte.
Il accueille des ouvriers payés pour creuser, aménager
et décorer les tombes royales.
Il
est coupé en deux par un axe nord-sud qui détermine
deux quartiers qui travaillent en alternance. A l’extrémité
de la rue, une porte gardée est fermée la nuit.
Les murs des maisons étaient peints en blanc et les
portes en rouge, où était marqué le nom
de l’occupant. Les maisons sont construites sans fondations,
en pierres brutes jusqu’à 1,50 m du sol puis en briques
crues. Les terrasses sont en torchis sur une armature de bois.
De
la rue, on accède à une première pièce,
sorte d’accueil et de purification familiale, où se
trouve un autel où le culte domestique aux dieux et
aux ancêtres est rendu. De là, on accède
à une pièce principale. Un escalier conduit
à une pièce souterraine utilisée comme
resserre pour les objets précieux de la famille. Derrière
se trouvent les pièces intimes et, au fond, la cuisine,
un cellier et une terrasse.
Les
lieux de cultes étaient regroupés au nord du
site. Quant aux tombes, dans les premiers temps, elles étaient
construites sans plan d’ensemble. A partir de la XIXe dynastie,
elles sont réparties en quartiers sur le coteau nord-sud.
Elles adoptent une forme architecturale composite combinant
la pyramide héliopolitaine et l’hypogée. Un
caveau pouvait accueillir plusieurs dizaines de sépultures :
celui de Sénedjem contenait vingt cercueils.
Cette
petite société réunissait tous les corps
de métiers, du bâtiment aux arts appliqués
et toutes les ethnies étaient représentées :
Nubie, Syrie, Libye… même si les Egyptiens de souche
étaient majoritaires.
La
communauté, continuellement surveillée par les
forces de l’ordre, était placée sous l’autorité
du vizir de Thèbes-ouest. L’approvisionnement du village
était assuré par l’administration à partir
des magasins des temples voisins.
Les
familles vivent repliées sur elles-mêmes. La
polygamie, ajoutée à la consanguinité
des unions, crée au fil des générations
de véritables dynasties dans chaque profession ou corps
de métier et fonde une hiérarchie sociale.
La
vie de la communauté est très mouvementée :
nous avons gardé des témoignages de vols, adultères,
vengeances, crimes, pillages… Elle est ponctuée de
fêtes religieuses dont la Fête de la Vallée
tient la première place, des congés à
l’occasion de l’enterrement des rois, de réunions de
confréries et de l’enterrement des habitants du village.
Ramsès
V Amonherkhépechef succède à son père
en l’an 1148 et meurt au bout de quatre ans de règne.
Outre sa tombe dans la Vallée des Rois, il construit
un temple funéraire à Héliopolis et Bouhen.
De son règne datent le Papyrus Wilbour, un grand texte
fiscal conservé au Musée de Brooklyn, une série
d’hymnes royaux ainsi que le Papyrus 1887 de Turin relatant
un scandale financier dans lequel sont impliqués des
prêtres d’Eléphantine qui en dit long sur la
corruption qui régnait dans l’administration.
Les
choses ne s’arrangent pas sous Ramsès VI Amonherkhépechef
II qui est, lui, un fils de Ramsès III, contrairement
à son prédécesseur. Les deux lignées,
celle des descendants directs et celle des frères et
neveux de Ramsès III se disputeront le pouvoir jusqu’à
la fin de la dynastie. Si le pays n’est pas en état
de guerre civile, il est quand même le théâtre
de nombreux actes de banditisme révélateurs
de la faiblesse du gouvernement.
Les
signes de décadence se multiplient : l’autorité
égyptienne en dehors de la Vallée est de plus
en plus limitée et le pouvoir des grands prêtres
d’Amon s’accroît.
Ramsès
VII succède à son père en 1136. Sous
son règne, la misère augmente. Les sources de
Deir el-Médineh permettent de suivre la montée
des prix et le roi, au cours de son règne de sept ans,
ne laissera que peu de traces sur les monuments.
Ramsès
VIII Soutekhherkhépechef qui lui succède en
1128 ne règne lui qu’un an. C’est l’un des fils survivants
de Ramsès III.
Ramsès
IX règne, lui, dix-huit ans et déploie une plus
grande activité : on trouve sa titulature à
Amara-ouest et son nom à Gezer en Palestine, dans l’oasis
de Dakla et à Antinæ . Il fait construire essentiellement
à Héliopolis.
A
Karnak, le Grand Prêtre Ramsesnakht avait tissé,
par une série d’alliance et de mariages familiaux,
un réseau parmi les prêtres et les notables de
Thèbes qui lui permit d’asseoir définitivement
le pouvoir des Grands Prêtres d’Amon.
La
fin du règne de Ramsès IX est entachée
d’un scandale qui se reproduira par la suite : le pillage
de la nécropole royale et de certaines nécropoles
civiles. Le Journal de Deir el-Médineh permet de reconstituer
à peu près les faits. Les autorités tenteront
de sauver au moins les corps en procédant à
des transferts successifs, au fur et à mesure des besoins.
La momie de Ramsès II en donne un exemple que l’on
peut suivre grâce au procès-verbal porté
sur le couvercle du dernier cercueil qui l’a reçut :
le Grand Prêtre Hérihor l’installe dans la tombe
de Séthi Ier. Plus tard, à la XXIe dynastie
sous Siamon, le grand prêtre Pinedjem la fait transporter
dans la cachette de Deir el-Bahari avec celle de Séthi
Ier. Cette cachette est aménagée par Pinedjem
II dans la tombe de l’épouse d’Ahmosis, Inhâpy,
qu’il fait agrandir pour la circonstance. Il y fait déposer
quarante cercueils de rois et grands prêtres, de la
XVIIe à la XXIe dynastie.
Ces
pillages portent témoignages de l’insécurité
qui règne en Haute Egypte dès Ramsès
IX et qui va s’accroître sous les deux derniers pharaons
de la dynastie.
On
n’est pas sûr de la durée du règne de
Ramsès X Amonherkhépechef III auquel on attribue
trois ou neuf ans. Il est le dernier roi dont la souveraineté
sur la Nubie, dernier territoire extérieur à
l’Egypte à lui être soumis, est attestée.
Ramsès
XI lui succède pour un règne de vingt-sept ans
dont seules les dix-neuf premières années sont
plus ou moins effectives. Les troubles augmentent en Thébaïde
où les prêtres s’arrogent des prérogatives
qui font d’eux presque les égaux du roi. Ainsi, un
peu avant l’an 19, le Grand Prêtre de Karnak Hérihor
devient tout-puissant en Haute Egypte. C’est le début
de " l’ère de Renaissance " qui consacre
une sorte d’équilibre entre trois hommes. Le premier
est le roi qui reste en principe maître du jeu mais
qui n’a dans les faits plus aucun pouvoir. Le deuxième
personnage est un administrateur nommé Smendès
qui gère, en principe sous les ordres du clergé
d’Amon, le nord du royaume depuis la résidence royale
de Pi-ramsès. Celle-ci vit ses dernières années
avant d’être démantelée pour construire
Tanis. Le troisième membre de ce triumvirat est Hérihor
qui cumule les charges temporelles et spirituelles et a le
commandement des armées, de la Haute Egypte et de la
Nubie.
Cette
association ne survivra pas à Ramsès XI et le
pouvoir va se trouver partagé entre la Haute et la
Basse Egypte. Dans le Nord, Smendès fonde une nouvelle
dynastie qui s’installe dans une nouvelle capitale, Tanis
et se réclame de la famille royale. Dans le Sud, le
pouvoir est aux mains des Grands Prêtres d’Amon.
.
Chapitre
XII : Le domaine d’Amon
Le
site a abrité le temple de Montou, le dieu local, probablement
dès l’Ancien Empire et est attesté sous Antef
Ier sous le nom de " la demeure d’Amon ".
L’aire
historique couverte par l’ensemble des temples de Karnak va
de la XIe dynastie à la fin de l’époque romaine.
Le
site comprend trois ensembles : le temple d’Amon-Rê
Montou (Karnak-nord), celui d’Amon-Rê et celui de Mout
(Karnak-sud) qui reçoit un culte en tant que mère
de Chonsou. Il faut y ajouter Louxor qui est son " harem
méridional ".
A
l’origine, le temple était compris dans un espace situé
entre la future salle des fêtes de Thoutmosis III et
le sanctuaire de la barque sacrée, la " cour du
Moyen Empire ". Il devait comporter, outre le sanctuaire
proprement dit, deux salles en enfilade, qui constituaient
les éléments minimum du temple.
Le
temple s’est agrandi vers l’ouest et concurremment vers l’est
par la création et le développement d’un " contre-temple "
solaire orienté vers le soleil levant. Dans le même
temps, l’allée processionnelle nord-sud qui relie les
enceintes de Montou, d’Amon-Rê et de Mout s’est étendu
également.
La
disposition d’origine ne semble guère évoluer
jusqu’au règne de Thoutmosis Ier qui commence à
le transformer avec l’aide de son architecte Inéni.
Thoutmosis
Ier a enclos le sanctuaire dans une cour fermée par
un pylône (V) contenant une salle hypostyle et des colosses
royaux. Le tout était fermé par une seconde
enceinte dans laquelle s’ouvrait un second pylône (IV).
Devant la face occidentale, il dispose deux obélisques
dont un subsiste encore aujourd’hui. L’ensemble constitue
l’Ipet-Sout, " Celle qui recense les places " proprement
dit.
La
principale étape suivante correspond au règne
d’Hatchepsout et de Thoutmosis III, le second défaisant
ou modifiant ce qu’avait fait la première.
Hatchepsout
installe contre la façade occidentale du sanctuaire
des chambres d’offrandes qu’elle fait précéder
d’un reposoir de barque, " la chapelle rouge ".
Au milieu de la salle hypostyle de Thoutmosis Ier, elle fait
ériger deux obélisques de granit rose d’Assouan
dont seul subsiste celui du nord, en avant du Ve pylône.
Elle
accole à l’enceinte orientale de Thoutmosis Ier un
sanctuaire consacré au soleil levant, pourvu de deux
obélisques qui sera remplacé par la salle des
fêtes de Thoutmosis III. Elle entreprend probablement
la construction du temple de Mout et remplace, dans l’allée
processionnelle, le VIIIe pylône de briques par une
construction en pierre.
Thoutmosis
III construit un nouveau pylône (VI) où il fait
figurer la bataille de Meggido. Il triple la colonnade de
Thoutmosis Ier et remplace le plafond en bois par un plafond
de pierre. Il sépare en trois la salle à l’est
du VIe pylône pour en faire une salle centrale et deux
salles latérales. Il remplace le sanctuaire au soleil
levant d’Hatchepsout par un temple de régénération
appelé Akh-menou où il recevra, lors de la fête-sed,
la puissance divine. Il enferme ces constructions dans deux
enceintes. A l’est de cette dernière enceinte, il érige
un contre-temple à l’occasion de son jubilé.
Amenhotep
II travaille également à Karnak mais des modifications
importantes ne sont apportées que par Thoutmosis IV
et surtout Amenhotep III. Elles ne bouleverseront plus l’aspect
d’Iset-Sout. L’essentiel porte désormais sur les parties
avant du temple, c’est-à-dire vers l’ouest, la voie
processionnelle ou des constructions extérieures au
sanctuaire proprement dit.
Thoutmosis
IV élève un obélisque dans le contre-temple
oriental de Thoutmosis III, le tekhen wâty, " l’obélisque
unique ". Faisant plus de 33 mètres, c’est le
plus haut obélisque connu qui sera transporté
à Rome pour décorer le cirque Maxime. A l’ouest
du IVe pylône, Thoutmosis IV implante un monument à
piliers dont une partie sera réutilisée par
Amenhotep III pour la construction du IIIe pylône.
Amenhotep
III édifie en brique le Xe pylône qui sera remplacé
par un de pierre sous Horemheb.
Pendant
la révolution amarnienne, les seuls travaux concernent
le temple d’Aton qu’Amenhotep IV fait édifier à
l’est. L’activité reprend timidement sous Toutankhamon
qui consacre, outre les deux statues d’Amon et Amaunet de
la cour du VIe pylône, peut-être quelques-uns
des criosphinx, sphinx à tête de bélier,
le long de la voie d’accès.
Horemheb
construit trois des dix pylônes du temple : le
IXe, le Xe qu’il rebâtit en pierre et le II qui sera
achevé sous Ramsès Ier. Il décore de
criosphinx l’allée reliant le Xe pylône au temple
de Mout. Ses constructions lui permettent de faire disparaître
la plus grande partie des monuments d’Amenhotep IV qui sont
réutilisés pour bourrer les IIe et IXe pylônes.
Séthi
Ier dote le temple de la spectaculaire salle hypostyle nommée
" le temple de Séthi-Mérenptah est lumineux
dans la Demeure d’Amon " dont Ramsès II achève
la décoration.
Deux
fois plus large que profonde, elle consiste en deux travées
de soixante-six colonnes monostyles réparties en sept
rangées de part et d’autre de la colonnade centrale
campaniforme formée de deux fois six colonnes édifiées
par Amenhotep III . Les murs extérieurs visibles par
le peuple sont décorés par les campagnes militaires
de Séthi Ier au nord et de Ramsès II au sud.
Ramsès
II aménage la voie d’accès en avant du IIe pylône
par un dromos de criosphinx, le " chemin des béliers "
conduisant au quai-débarcadère.
Séthi
II flanque le débarcadère de deux obélisques
et fait élever un reposoir de barque en avant du IIe
pylône.
Ramsès
III en construit un à son tour, de l’autre côté
de l’axe : c’est un modèle réduit de temple
avec son propre pylône précédé
de colosses royaux, une cour à péristyle, une
hypostyle et un sanctuaire. Les murs extérieurs sont
décorés de scènes de procession des barques
divines vers Louxor lors de la fête d’Opet.
Chéchonq
Ier borde l’espace de la future cour du Ier pylône par
deux portiques et la ferme par un portail qui sera remplacé
par le Ier pylône ; il repousse alors les criosphinx
de l’allée centrale sur les côtés nord
et sud de cette nouvelle cour. Puis Taharqa, à la XXVe
dynastie, construit un kiosque en avant du vestibule du IIe
pylône.
Les
murs d’enceinte ont été restaurés par
Montouemhat sous le règne de Taharqa mais l’enceinte
telle qu’elle se présente aujourd’hui date de la XXXe
dynastie comme probablement le Ier pylône qui est resté
inachevé. Elle couvre un périmètre de
480 m sur 550 m et est constituée de murs d’environ
12 m d’épaisseur pour 25 m de haut. Ils sont faits
de lits de briques crues alternativement convexes et concaves
de façon à reproduire l’ondoiement des flots
de Noun qui limitent l’univers représenté par
le temple, lieu de la création.
L’évolution
est loin de se limiter aux grandes lignes de celles de l’axe
est-ouest. Il y a encore, au nord, le temple de Ptah construit
par Thoutmosis III et restauré sous les Ptolémées.
A l’est, les sanctuaires orientaux d’Amon-Rê Horakhty.
On peut encore citer, entre autre, le temple de Chonsou, les
chapelles d’Osiris…
.
QUATRIÈME
PARTIE : LES DERNIERS TEMPS
Chapitre
XIII : La Troisième Période Intermédiaire
A
la mort de Ramsès XI, Smendès se proclame roi
et légitimise probablement son pouvoir en épousant
une fille de Ramsès XI. Son autorité est reconnue
à Thèbes. Il transfère la capitale de
Pi-Ramsès à Tanis où il se fera enterrer
après vingt-cinq ans de règne.
A
Karnak, à la fin du règne de Ramsès XI,
Piânkh avait remplacé Hérihor. Son fils
Pinedjem lui succède comme Grand Prêtre et commandant
en chef des armées de Haute Egypte en 1070. Ce dernier
adopte la titulature royale, s’arroge les compétences
du pharaon tout en reconnaissant le primat de celui-ci et,
devenu roi, délègue la fonction de Grand Prêtre
à son fils Masaharta puis à un autre fils, Menkhéperrê.
Pinedjem épouse Hénouttaouy, qui est de sang
royal, dont il aura quatre enfants : Psousennès
Ier, le pharaon, Masaharta et Menkhéperrê, les
Grands Prêtres successifs, et une fille Maâtkarê
qui prendra la fonction de Divine Adoratrice, épouse
exclusive du dieu.
Auparavant,
il existait une stricte correspondance entre famille divine
et famille royale. Dorénavant, le Grand Prêtre
revendique pour lui-même le pouvoir temporel d’Amon,
distinct de celui de pharaon accordé par Amon. La politique
des Grands Prêtres d’Amon va donc consister à
soutenir le pouvoir du Pharaon, mais en le soumettant à
la volonté d’Amon. Ainsi, le pays est partagé
de fait en deux, entre le Grand Prêtre et le Pharaon,
le premier exprimant la volonté d’Amon qui mandate
le second.
Lorsque
Smendès meurt, le pouvoir est réparti entre
deux corégents : Néferkarê Amenemnesout,
" Amon est le roi ", probablement fils de Hérihor
et Psousennès Ier qui lui survit et règne jusqu’en
993. Amenemnesout est contemporain des premiers temps du pontificat
de Menkheperrê qui prend des mesures d’apaisement envers
les grandes familles thébaines du clergé qui,
choquées de se voir dépouillées de leurs
prérogatives par la lignée de Hérihor,
avaient enflammé Thèbes d’une guerre civile.
En
1040-1039, Psousennès réalise en sa personne
la synthèse religieuse et politique du pays. Il affirme
nettement son appartenance thébaine et consolide ses
liens avec le clergé d’Amon en mariant sa fille Asetemkheb
au grand Prêtre Menkhéperrê. Lui-même,
comme ses successeurs, exerce le pontificat d’Amon à
Tanis.
La
passation de pouvoir a lieu à peu près en même
temps à Thèbes et à Tanis. A Thèbes,
Smendès II succède à son père
Menkhéperrê avant la mort de Psousennès
Ier. Il est probablement âgé lorsqu’il prend
la charge de Grand Prêtre : au bout de deux ans,
il cède la place à son jeune frère Pinedjem
II.
A
Tanis, Aménémopé succède à
Psousennès Ier qui est peut-être son père.
Son successeur, Aakhéperrê Sétépenrê,
probablement le premier Osorkon (Osochor), appelé Osorkon
l’Ancien, est peu connu.
Le
roi suivant, Siamon est l’une des figures illustres de la
XXIe dynastie même si c’est sous son règne que
se produit le dernier grand pillage de la nécropole
thébaine qui conduisit le Grand Prêtre d’Amon
à ensevelir les momies royales dans la tombe d’Inhâpy.
Siamon
construit à Tanis, à Héliopolis et à
Memphis. Il favorise également le clergé memphite
de Ptah mais son activité se limite à la Basse
Egypte.
Sous
son règne, l’Egypte retrouve une politique extérieure
plus dynamique. Les Philistins menaçant le trafic avec
la Phénicie, l’Egypte doit intervenir en prenant et
ravageant Gezer. Elle établit une nouvelle alliance
avec le royaume de Jérusalem, alliance consacrée
par un mariage. Mais l’union se fait dans un sens nouveau
pour les Egyptiens : c’est Salomon qui épouse
une Egyptienne, ouvrant une tradition de mariages non royaux
pour les princesses de la vallée.
Psousennès
II, probablement allié par mariage à la famille
royale, est le dernier représentant de la XXIe dynastie
qui s’éteint peut-être dans un relatif dénuement
à Tanis. Le pouvoir échoit à sa mort
à la lignée des grands chefs des Mâchaouach,
dont le règne de Chéchonq l’Ancien avait annoncé
la montée. La domination libyenne commence.
Lorsque
Chéchonq Ier (945-924) monte sur le trône, il
est déjà l’homme fort du pays : général
en chef des armées et conseiller du roi, il est aussi
son gendre puisqu’il a épousé sa fille, Maâtkarê.
Avec lui commence l’ère des chefs libyens originaires
de Bubastis qui va redonner au pays une nouvelle puissance
avant de s’éteindre dans de nouvelles luttes intestines
à partir de Chéchonq III.
Il
fait de son fils Ioupout le Grand Prêtre d’Amon en même
temps que le général en chef des armées
et le gouverneur de Haute Egypte. Il se ménage un contre-pouvoir
en Moyenne Egypte en donnant à un autre de ses fils,
Nimlot, le commandement d'Hérakléopolis.
Chéchonq
Ier tente de reprendre une politique d’expansion et, en 925,
mène en Palestine une campagne victorieuse au cours
de laquelle il pille Jérusalem.
Il
entreprend un programme de construction ambitieux dans le
temple d’Amon-Rê de Karnak où il fait représenter
le triomphe de l’Egypte sur les deux royaumes juifs de Juda
et d’Israël.
Dans
les premières années de son règne, Osorkon
Ier (924 – 889) poursuit la politique de son père envers
les domaines divins, fournissant abondamment les grands clergés
du royaume à Memphis, Héliopolis, Hermopolis,
Karnak et Bubastis. Il poursuit les travaux commencés
par Chéchonq Ier autour d’Hérakléopolis.
A
Karnak, il remplace dans la charge de Grand Prêtre d’Amon
son frère Ioupout par un de ses propres fils, le futur
Chéchonq II (890 –889) qu’il prendra comme corégent
vers 890. Ce dernier meurt avant son père qui ne lui
survécut que quelques mois, laissant le trône
à un fils qu’Osorkon Ier avait eu d’une épouse
secondaire, Takélot Ier.
Takélot
Ier règne de 889 à 874 sans que l’on puisse
lui attribuer avec certitude le moindre monument. Son autorité
ne semble pas respectée par son frère Iouwelot,
qui remplit la charge de Grand Prêtre à Thèbes.
Il semble que seule la présence de la garnison militaire
installée par Osorkon Ier à proximité
de Hérakléopolis empêche Iouwelot d’étendre
son autorité plus loin vers le nord.
Petit
à petit, l’équilibre relatif instauré
par les premiers rois tanites et repris par les bubastides
se dégrade comme le montre le règne parallèle
des deux petits-fils d’Osorkon Ier, les cousins Osorkon II,
fils de Takélot Ier, et Harsiesis, fils de Chéchonq
II.
Osorkon
II (874 – 850) accepte qu’Harsiesis succède à
son père Chéchonq II dans la charge de Grand
Prêtre d’Amon, créant un précédent
dangereux de transmission héréditaire. Harsiesis
(870 –860) se proclame roi dès la quatrième
année du règne de son cousin.
A
la mort d’Harsiesis, Osorkon II installe à sa place
à Karnak l’un de ses fils, Nimlot. Il impose un autre
de ses fils, Chéchonq, comme Grand Prêtre à
Memphis et Hornakht à Tanis comme Grand Prêtre
d’Amon.
Sous
le règne d’Osorkon II, la XXIIe dynastie brille de
son dernier éclat. Le roi embellit le temple de Bastet
dans sa ville de Bubastis. Il est également présent
à Léontopolis, Memphis et Tanis.
A
l’extérieur, il poursuit la politique d’alliance avec
Byblos mais doit tenir compte du pouvoir montant de l’Assyrie
où Assurnasirpal II, roi conquérant, puis son
fils Salmanazar III ne cessent d’étendre l’empire,
du nord de la Mésopotamie au Moyen Euphrate jusqu’à
la Syrie, l’Oronte et la côte d’Amourrou. Lorsque l’Assyrie
tente de conquérir la Syrie du Nord, les royaumes d’Hamath,
Damas et Israël s’allient en 853 pour faire front contre
l’envahisseur. Byblos et l’Egypte envoient chacun un contingent.
La bataille a lieu à Qarqar sur l’Oronte et stoppe
l’avance de Salmanazar III. Une nouvelle phase de la politique
extérieure égyptienne commence : celle
d’un appui aux royaumes de Syro-Palestine, l’ultime rempart
protégeant la Vallée des appétits grandissants
de l’Assyrie.
La
succession d’Osorkon II (874 – 850) n’est pas facile :
le prince héritier Chéchonq meurt avant son
père et c’est son frère cadet, Takélot
II, qui monte sur le trône de Tanis. Son règne
n’a laissé que des traces minimes à travers
le pays.
Il
n’en va pas de même des pontifes d’Amon. Le demi-frère
de Takélot II, Nimlot, avait réuni sous son
autorité Hérakléopolis et Thèbes
et marié sa fille à Takélot II.
Une
paix relative se maintient entre Thèbes et Tanis jusqu’à
la mort de Nimlot. Ce dernier avait choisit comme successeur
le prince héritier Osorkon que les Thébains
n’acceptèrent pas. Les hostilités éclatent
et la révolte est matée par la force. Une guerre
civile éclate ensuite en l’an 15 et dure une dizaine
d’années. Moins de deux ans après une première
trêve, les Thébains reprennent la lutte et Osorkon
perd pied en Haute Egypte. Le temps pour lui de regagner Tanis,
Takélot II est mort et la place est occupée
par le jeune frère du roi : Chéchonq III
(825 – 773). Cette prise de pouvoir qui fausse le jeu de la
succession déclenche une nouvelle querelle dynastique.
Dans
les premières années de son règne, Chéchonq
III semble accepté par les Thébains autant parce
qu’il a spolié Osorkon du trône qui lui revenait
et qui aurait dangereusement augmenté son autorité
que parce qu’il laisse manifestement le clergé de Karnak
décider lui-même du choix du Grand Prêtre
d’Amon : Harsiesis réapparaît comme pontife
en l’an 6 de Chéchonq III.
La
scission vient de la famille royale elle-même. En l’an
8, le prince Pétoubastis Ier (818 – 793) se proclame
roi et fonde une nouvelle dynastie à Léonpolis,
la XXIIIe de Manéthon. Les deux pharaons vont régner
concurremment : la coupure n’est plus entre le Nord et
le Sud mais dans le Delta même. La situation dans le
Delta devient assez confuse.
A
Léontopolis, Chéchonq IV a succédé
à Pétoubastis Ier en 793 mais son règne
est éphémère. Osorkon III lui succède
en 787. Son autorité est reconnue par la chefferie
de Mâ de Mendès. Il apparaît également
à Memphis et est plus présent en Moyenne Egypte
que Chéchonq III. Il associe au trône son fils,
le Grand Prêtre Takélot qui lui succède
six ans plus tard sous le nom de Takélot III (764 –
757).
A
Tanis, à la mort de Chéchonq III, Pimay (773
– 767), après un règne éphémère
laisse le trône en 767 à Chéchonq V (767
– 730). Son autorité ne dépasse guère
Tell el-Yahaudiyeh. Son fils Osorkon IV, dernier représentant
de la XXIIe dynastie ne gouvernera plus que Tanis et Bubastis.
Vers
767 se constitue à Saïs une chefferie Mâ,
dirigée par un Osorkon, qui étend son pouvoir
vers l’ouest au détriment des chefs libyens, vers le
nord en absorbant Bouto et vers le sud en direction de Memphis.
Vers 730, Saïs est gouvernée par Tefnakht qui
s’est proclamé " Grand Chef des Libou et Grand
Prince de l’Ouest " et dont l’autorité couvre
tout l’ouest et la moitié du Delta central.
En
Moyenne Egypte, Roudamon (757 – 754) succède à
son frère Takélot III en 757 pour un règne
tout aussi bref et donne sa fille en mariage à un nommé
Peftjaouaouibastet.
Son
fils Ioupout II n’a plus de pouvoir qu’à Léontopolis
et à Thèbes. Par ailleurs, Peftjaouaouibastet
adopte également à Hérakléopolis
la titulature royale, tout comme son collègue d’Hermopolis,
Nimlot.
Au
bout du compte, le pays se retrouve partagé entre cinq
personnes prétendant au rang de roi, tandis que, dans
les provinces du Nord, une bonne dizaine de grands chefs reconnaissent,
au mieux, la suzeraineté sacrale d’un de ces pharaonicules.
La
conquête de l’éthiopien Piânkhy va mettre
fin à l’une des périodes les plus confuses de
l’histoire égyptienne.
.
Chapitre
XIV : Éthiopiens et Saïtes
A
la fin de la période ramesside, la Nubie se sépare
de l’Egypte en un royaume indépendant né à
proximité de la Quatrième Cataracte. Profondément
égyptianisée par les pharaons du Nouvel Empire,
elle connaît une évolution propre. Le temple
d’Amon de Gebel Barkal devient un foyer religieux intense
autour duquel se constitue une lignée locale dont les
chefs se font enterrer dans la nécropole voisine d’El-Kourrou.
Ils finissent par se constituer en dynastie et adoptent tous
les aspects du pouvoir pharaonique.
Le
premier souverain dont on connaisse le nom est Alara qui serait
le septième de la dynastie. Son frère Kachta,
" le Kouchite ", monte sur le trône en 760
et achève probablement la conquête de la Basse
Nubie. Kachta a plusieurs enfants. Deux régneront :
Chabaka et, avant lui, Piânkhy (747 – 716), qui prend
le pouvoir en 747 et continue l’expansion vers le Nord pendant
les dix premières années de son règne.
Il place Thèbes sous sa protection. Un autre fils de
Kachta, Aménardis Ier inaugure la mainmise des Ethiopiens
sur Karnak en succédant à Osorkon III.
Face
à la montée du pouvoir éthiopien en Thébaïde,
Tefnakht (727 – 720), roi de Saïs, rassemble les royaumes
du Nord, gagne à sa cause Hérakléopolis
et Hermopolis et entreprend de conquérir le Sud. Piânkhy
intervient et défait les coalisés : Ioupout
II de Léontopolis, Peftjaouaouibastet d’Hérakléopolis,
Osorkon IV de Tanis et Nimlot d’Hermopolis. Seul Tefnakht
s’est enfui dans les marches du Nord pour tenter de refaire
ses forces.
Rentré
à Napata, Piânkhy développe sa capitale
et agrandit le temple consacré jadis à Amon
de la " Montagne Pure ", le Gebel Barkal, par Thoutmosis
III et qui devient une réplique de celui de Karnak.
Il se fait ériger une pyramide dans la nécropole
d’El-Kourrou. Il contrôle efficacement la Thébaïde
et les pistes occidentales, au moins jusqu’à l’oasis
de Dakhla.
Par
contre, dans le Nord, Tefnakht a repris le pouvoir sur tout
l’ouest du Delta jusqu’à Memphis. Il se proclame roi,
vers 720/719, inaugurant la XXIVe dynastie manéthonienne,
dont le siège est à Saïs. Son règne
ne dépasse pas huit ans. Son fils Bakenrenef ( 720
– 715), le Bocchoris de Manéthon, lui succède
et proclame son autorité sur tout le Nord.
Sous
Tiglath-Phalazar III, l’Assyrie soumet la Phénicie
en 742 et lui interdit tout commerce avec les Philistins et
l’Egypte. Cette mainmise décide les roitelets du croissant
fertile à composer avec le roi assyrien. Après
plusieurs retournements d’alliance en Transjordanie, les Assyriens
atteignent El-Arich vers 716 : ils ne sont plus séparés
de la frontière orientale de l’Egypte que par Silé.
C’est Osorkon IV qui mène une mission diplomatique
en envoyant des présents au roi assyrien.
La
même année, Piânkhy meurt après
un long règne de trente et un an. Son frère
Chabaka (716 – 702) monte sur le trône et décide
d’assumer en personne le gouvernement de la Vallée.
Dès sa deuxième année de règne,
il est à Memphis. Il met fin au règne de Bakenrenef
et prend le contrôle de tout le Nord. Il est possible
qu’il ait conclu un accord de paix avec l’Assyrie.
Tout
comme Piânkhy, il prône le retour aux valeurs
traditionnelles. Il manifeste son souci des dieux à
Athribis, Memphis, Abydos, Dendera, Esna, Edfou et Thèbes.
A Karnak, il restaure la fonction de Grand Prêtre d’Amon,
tombée en désuétude et y installe son
fils Horemakhet. Chabaka meurt en 702 après quinze
ans de règne et se fait enterrer à El-Kourrou.
Le pouvoir revient alors aux enfants de Piânkhy, Chabataka,
puis Taharqa.
Chabataka
(702 – 690) poursuit les travaux de son oncle à Memphis,
Louxor et Karnak.
En
704, les rois de Phénicie et de Palestine se soulèvent
contre l’Assyrie. Chabataka leur vient en aide en envoyant
un corps expéditionnaire commandé par son frère
Taharqa. Alors que les Assyriens marchent sur les troupes
égyptiennes, Taharqa préfère se retirer
en Egypte. Le roi assyrien Sennacherib se retire à
son tour, rappelé par les soucis de Babylonie, sans
parvenir à entrer en Egypte.
A
Saïs, la situation évolue. Ammeris, le " gouverneur "
mis en place par les Ethiopiens meurt vers 695. Stephinates,
que l’on a appelé Tefnakht II, lui succède de
695 à 688, maintenant la tradition de Bakenrenef et
préfigurant la future dynastie saïte.
A
la mort de Chabataka en 690, Taharqa (690 – 664) lui succède.
Ses vingt-six années de gouvernement sont le moment
le plus brillant de la période éthiopienne.
Il entreprend des travaux dans le temple de Kawa qui devient
le deuxième grand sanctuaire des rois napatéens.
Il construit à Sanam Abou Dôm, Méroë,
Semna, Qasr Ibrim, Bouhen… Il déploie la même
activité à Thèbes : il travaille
à Médinet Habou et surtout à Karnak dont
il est le grand reconstructeur.
Les
Assyriens attaquent l’Egypte vers 674, en l’an 17 de Taharqa,
mais doivent battre en retraite. Trois ans plus tard, en 671,
un nouvel engagement tourne à l’avantage de l’Assyrie.
Assarhaddon défait Taharqa et prend Memphis. Taharqa
se replie dans le Sud dont il garde apparemment le contrôle
tandis que les Assyriens favorisent ses rivaux du Nord, au
premier rang desquels se trouvent les Saïtes.
Après
le départ des conquérants, l’Ethiopien fomente
des troubles dans le Nord. Le successeur d’Assarhaddon, Assurbanipal,
envoie un corps expéditionnaire qui vainc Taharqa devant
Memphis et assoie son autorité jusqu’à Assouan.
Il fait exécuter les principaux chefs à Saïs
à l’exception de Nékao Ier (672 – 664) à
qui il confie le royaume et installe son fils Psammétique,
le futur Psammétique Ier, à la tête de
l’ancien royaume d’Athribis. Les Saïtes prennent ainsi
le pouvoir avec l’appui et la reconnaissance des envahisseurs.
L’année
suivante, en 665, Taharqa meurt à Napata. Son cousin
Tantamani (664 – 656) lui succède et reprend l’Egypte.
Sa campagne est d’autant plus couronnée de succès
que Nékao Ier a manifestement péri dans les
combats. Assurbanipal réagit et envoie de nouveau ses
armées. Tantamani doit se replier à Thèbes
puis à Napata. Thèbes est mise à sac
par les envahisseurs, ravagée et tous les trésors
accumulés dans les temples sont pillés. Le sac
de Thèbes met fin à la dynastie éthiopienne.
- Psammétique
Ier et la "renaissance " saïte
A
la mort de Nékao Ier, Psammétique Ier (664 –
610) est reconnu comme roi unique d’Egypte par les Assyriens.
Il soumet les souverains du Nord en l’an 8 de son règne
et fait adopter sa fille Nitocris par les Divines Adoratrices
d’Amon afin de mettre la main sur la Thébaïde.
L’Egypte
s’ouvre au monde extérieur, notamment en Grèce
et en Asie Mineure, tant en matière d’art que de technique
mais sans renoncer aux valeurs nationales. Psammétique
Ier radicalise la pensée religieuse en affichant une
recherche constante de la pureté originelle.
Durant
toute la période saïte et perse, le culte des
animaux connaît un grand essor : le roi fait agrandir
le Sérapeum de Memphis, le culte de l’Apis s’étant
nettement développé. C’est la tradition memphite
retrouvée qui donne le ton en matière de théologie
au détriment de Thèbes.
Psammétique
Ier déplace la capitale à Memphis tout en conservant
Saïs comme résidence et nécropole. Il remet
en place la politique et l’économie du pays en installant
en Haute Egypte du personnel lié aux intérêts
de Saïs.
Sous
les Saïtes, l’Egypte connaît un éclat et
une prospérité indiscutable et reste, dans les
pays de la Méditerranée, un Etat avec lequel
il faut compter.
Profitant
de querelles intestines en Assyrie, Psammétique Ier
chasse les garnisons assyriennes jusqu’à Asdod en Palestine.
- Proche
Orient et Méditerranée
En
610, Psammétique Ier meurt, laissant à son fils
Nékao II (610 – 595) le soin de continuer son œuvre.
L’Egypte
tient ses engagements vis à vis de l’Assyrie. Lorsque
les Mèdes et les Babyloniens prennent Harran, les Egyptiens
tentent, sans succès, de reprendre la ville. Par contre,
Nékao II profite du vide que laissent les Assyriens
en Syro-Palestine pour mettre la main sur la Palestine. Il
place son fils Elyaqim sur le trône d’Israël et
garde le contrôle de la Syrie. Toutefois, cette domination
est fragile, ne reposant que sur des alliances passées
sous la contrainte. Babylone réagit : Nabuchodonozor
repousse les Egyptiens jusqu’à Hamath où il
anéantit les troupes. Jusqu’à la fin du règne
de Nékao II, le pouvoir de l’Egypte ne dépassera
plus la limite de Gaza.
Nékao
II tourne désormais ses ambitions vers d’autres buts :
il poursuit la politique d’ouverture vers le monde grec, encourageant
l’installation de colons et cherchant à créer
une flotte égyptienne capable de rivaliser avec ses
concurrents aussi bien en Méditerranée qu'en
mer Rouge. Il entame de grands travaux afin d’aménager
un canal reliant la Méditerranée à la
mer Rouge.
Nékao
II meurt en 595 et laisse un fils et trois filles. Son fils
règne sous le nom de Néferibrê Psammétique
II (595 – 589).
En
597, Nabuchodonozor II prend Jérusalem et pille le
Temple. Psammétique II pousse alors Jérusalem
à la rébellion. D’autre part, il engage les
hostilités avec le pays de Kouch dont les raisons nous
échappent.
A
la mort de Psammétique II, son fils Khaâibrê
Apriès (589 – 570) doit faire face à la situation
provoquée par la révolte de Jérusalem
contre Babylone. Nabuchodonozor II s’assure le contrôle
de la Phénicie mais échoue devant Tyr qu’Apriès
ravitaille par la mer, ce qui témoigne de la force
de la flotte qu’avait créé Nékao II.
L’Egypte ne peut toutefois porter secours à Jérusalem
et doit battre en retraite.
Apprenant
la défaite égyptienne face à Nabuchodonozor
II, la garnison d’Eléphantine se révolte. Les
troubles se poursuivent, dégénérant en
guerre civile entre forces nationales et mercenaires grecs
et cariens. Les Egyptiens proclament roi le général
Amasis (570 – 526) qui s’était couvert de gloire dans
l’expédition contre les Kouchites. Apriès affronte
Amasis en 570 et est tué. Nabuchodonozor II profite
de ces troubles pour tenter une invasion en Egypte mais Amasis
parvient à l’arrêter.
Pour
résoudre le problème grec et carien, Amasis
concentre ces étrangers dans la ville de Naucratis
et leur accorde des privilèges économiques et
commerciaux importants. Il reconnaît à la cité
le statut de comptoir autonome doté de ses propres
lieux de culte. Cette économie "de comptoirs "
contribue fortement à la prospérité du
pays entier.
Il
conclut un pacte d’alliance avec Crésus, le légendaire
roi de Lydie, et Polycrate, le tyran de Samos. Il s’entend
aussi avec Babylone.
Toutefois,
la reconstitution par les Perses d’un empire encore plus puissant
que celui qu’édifièrent jadis les Assyriens
font d’eux les maîtres de l’Asie Mineure. Seuls les
Grecs peuvent s’y opposer. L’Egypte doit se borner à
subir les événements.
A
la mort d’Amasis en 526, Psammétique III (526 – 525)
monte sur le trône. A Suse, Cambyse II a succédé
à Cyrus II. Il marche sur l’Egypte au printemps 525
et anéantit l’armée de Psammétique III
à Péluse. L’Egypte devient une province de l’Empire
achéménide.
.
Chapitre
XV : Perses et Grecs
Les
Perses n’appliquent pas à l’Egypte le régime
de leur pays. Certes, la Vallée va devenir une satrapie,
mais les rois de Suse vont régner sur l’Egypte en tant
que pharaons, adoptant tous une titulature complète
et continuant l’œuvre de leurs "prédécesseurs "
égyptiens. Les travaux entrepris par Cambyse II (525
– 522) au Ouadi Hammamat ainsi que dans d’autres temples d’Egypte
confirme cette politique de respect des sanctuaires et des
cultes nationaux. Toutefois, Cambyse II tente en vain de s’emparer
de la Nubie et de ses oasis.
Darius
Ier (522 – 485) lui succède et monte sur le trône
en 522. Il met en place le satrape Phérendatès.
Le roi fait compléter le percement du canal de Nékao
II entre la mer Rouge et la Méditerranée et
met en valeur les écoles de pensée égyptiennes.
En
490, les Grecs défont les Perses à Marathon.
Le Delta en profite pour se révolter en 486. Darius
Ier meurt avant de pouvoir intervenir. C’est Xerxès
(486-465) qui lui succède, mate la révolte et
met son fils Achaiménès à la tête
de la satrapie d’Egypte.
La
défaite de Xerxès à Salamine et son assassinat
encourage de nouveau les Egyptiens à la révolte :
ils passent aux actes sous le règne de son successeur,
Artaxerxès Ier (465-424) qui était monté
sur le trône perse en 465. Inaros, dynaste libyen fils
du dernier Psammétique, regroupe les forces nationalistes
éparses dans le Delta et se déclare roi. Athènes
lui envoie une escadre pour l’aider à affronter les
Perses qui malgré tout l’emportent et remplacent Achaiménès
par Arsamès à la tête de la satrapie.
La Grèce et la Perse font la paix et pendant une génération,
le calme revient dans le pays.
Mais
le feu qui couvait éclate après les troubles
qui marquent la succession d’Artaxérès à
Suse. Son successeur Darius II (424-405) prend le pouvoir
en 425 et redonne vie à la politique de conciliation
de Darius Ier. Les Grecs, tout particulièrement Sparte,
encouragent le principal foyer de rébellion qui se
trouve à Saïs. Amyrtée (404-399) se fait
couronner pharaon l’année de la mort de Darius II et
fonde la XXVIIIe dynastie dont il sera l’unique représentant.
En moins de quatre ans, son pouvoir est reconnu jusqu’à
Assouan. La quasi-absence de réaction de Suse s’explique
par la querelle de succession qui déchire les Perses
à la mort de Darius II : une lutte fratricide
entre Artaxerxès et Cyrus II.
- Le
retour à l’indépendance
Amyrtée
ouvre la dernière période d’indépendance
nationale. Elle va durer moins d’un siècle, de 404
à 343 et verra deux dynasties succéder à
la XXVIIIe : la XXIXe qui ne dure que vingt ans et la
XXXe qui en dure tout juste le double.
Néphéritès
Ier (399-393) succède à Amyrtée en 399.
A sa mort, vers 394-393, deux factions rivales se disputent
le pouvoir. Le fils de Néphéritès règne
quelques mois mais son autorité est contestée
par Psammouthis (393) qui ne règne qu’un an, cédant
la place à Achôris (393-380).
Sous
le règne d’Achôris, les grands travaux reprennent
dans les temples : à Louxor, Karnak, Médinet
Habou, Elkab, Tôd, Médamoud, Eléphantine…
Le commerce est florissant et l’Egypte est de nouveau présente
au Proche Orient, mais pour se contenter de participer indirectement,
aux côtés des cités grecques, à
la lutte contre les Perses.
Lorsque
les cités grecques renoncent à combattre les
Perses, le satrape Pharnabaze peut enfin se tourner vers l'Egypte.
C'est Achôris qui supporte le choc des armées
perses dont les tentatives se soldent d'abord par un échec.
A
la mort d’Achôris, sa succession n’est pas aisée.
Son fils Néphéritès II (380) est rapidement
détrôné par Nectanébo Ier (380-362).
Athènes s’associe aux Perses pour marcher sur l’Egypte
qui parvient à repousser les envahisseurs. L’Egypte
échappe à une nouvelle invasion et s’assure
une paix durable puisque les Perses ne reviendront que trente
ans plus tard, en 343.
- La
dernière dynastie indigène
Nectanébo
Ier fait faire de nouvelles constructions, des restaurations
ou des embellissements dans presque tous les temples d’Egypte.
L’armée égyptienne est renforcée.
Depuis
365, Nectanébo Ier a associé au trône
son fils Tachos (362-360). Ce dernier commence les préparatifs
de guerre dès 361 et prend de lourdes mesures fiscales,
qui le rendront impopulaire, afin de payer les mercenaires
grecs. Tachos prend le commandement de l’armée égyptienne
qui se dirige par voie de terre et de mer le long de la côte
vers la Phénicie. Il a laissé la régence
du pays à son frère Tjahépimou qui, profitant
du mécontentement général contre Tachos,
fait proclamer roi son fils Nectanébo. Tachos est forcé
de s’enfuir auprès du Grand Roi, en Perse.
Nectanébo
II (360-343) règne durant 18 ans au cours desquels
il multiplie constructions et restaurations de temples.
Malgré
l’influence montante de la Macédoine, l’Empire perse
a repris le contrôle de l’Asie Mineure et il ne lui
manque que la reconquête de l’Egypte. En 343, Artaxerxès
marche sur l’Egypte. Nectanébo II doit s’enfuir, marquant
la fin de l’indépendance égyptienne.
- Le
nouveau Maître de l’Univers
L’hégémonie
perse ne dure même pas dix ans. Au printemps de 334,
Alexandre franchit l’Hellespont. Il vainc les satrapes au
mois de mai puis Darius lui-même à Issos à
l’automne. A l’automne de l’année suivante, le satrape
Mazakes remet l’Egypte à Alexandre sans combat. L’oracle
d’Amon reconnaît en lui le nouveau Maître de l’Univers.
Un
résumé rédigé par Corinne Smeesters
(Belgique 1998)
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