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21 juillet 1798
Ce jour-là...
Bataille des Pyramides

Le 21 juillet 1798, non loin des pyramides de Gizeh, le
général Napoléon Bonaparte défait
les Mamelouks.
Les Mamelouks (d'après
un mot arabe qui signifie homme acheté) constituent
une caste militaire. Dirigés par 370 chefs de toutes
origines, ils gouvernent l'Égypte depuis plus de
deux siècles, officiellement au nom du sultan turc
d'Istamboul.
Magnifiée par
la propagande napoléonienne, la bataille entre
les Mamelouks et les Français dure à peine
deux heures.
Bonaparte a l'idée
pour la première fois de disposer ses troupes en
carré, les fantassins formant des rectangles sur
plusieurs rangs, avec un canon à chaque coin et
les bagages au milieu.
La cavalerie mamelouk
se rue sur ces carrés à sa manière
désordonné. Frappée par la mitraille,
elle se replie très vite, laissant quelques dizaines
ou quelques centaines de morts sur le sable.
Avec son sens de la
propagande, le général invente à
propos de cette journée la harangue célèbre
: «Soldats, songez que du haut de ces pyramides,
quarante siècles vous contemplent !».
C'est le point culminant
de l'expédition d'Égypte.
Origines de l'expédition
En 1797, les conquêtes
du général Bonaparte en Italie et le traité
de Campo Formio avaient permis de remplir les caisses
du Directoire et d'obtenir pour la Grande Nation des «frontières
naturelles» sur le Rhin.
La République
acquiert avec ces victoires la volonté de convertir
le monde à ses principes. Elle perd le sens de
la mesure et n'hésite pas à fouler les règles
de la diplomatie et du droit.
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Elle poursuit sa politique
expansionniste aux Antilles (guerre de course), en Irlande (expédition
de Humbert), en Europe (subversion des régimes établis)
et même aux Indes (encouragements à Tippou Sahib,
sultan du Mysore, contre les Anglais).
Une expédition de
rêve
L'époque est aux réminiscences
antiques. La République rêve d'envoyer ses légions
reconstituer la Mare nostrum des Romains. L'Espagne est une
alliée, des Républiques surs ont été
semées jusqu'en Calabre, les Iles Ioniennes sont maintenant
françaises.
L'Empire ottoman, allié
fidèle de la France depuis François Ier, apparaît
soudain comme une puissance rétrograde qui opprime une
Grèce idéalisée.
Bonaparte caresse le rêve
d'une expédition orientale. Le ministre des Relations
extérieures, Talleyrand, partage son rêve.

Le moment semble propice.
L'Angleterre du Premier ministre William Pitt (38 ans) vit des
moments difficiles (révolte en Irlande, mutinerie des
marins à Portsmouth, faillite financière).
L'Égypte offre un
point d'appui pour assurer une communication terrestre avec
l'Orient menacé par la suprématie maritime britannique.
Talleyrand se fait fort de
convaincre le Grand Turc que la future expédition n'est
pas dirigée contre lui. Malheureusement, le général
Aubert-Dubayet, ambassadeur français à Istamboul,
meurt en décembre 1797 et n'est pas remplacé,
ce qui laisse le champ libre aux menées britanniques.
Mais malgré les rapports
venus de France et d'Italie, les Anglais ne veulent pas croire
à une expédition française au Levant.
A Paris, le Directoire décide,
début 1798, d'envahir la Confédération
suisse, alliée séculaire de la France, afin de
financer la future expédition d'Orient avec le trésor
de Berne.
Une campagne de promotion
bien conduite permet à Bonaparte, récemment nommé
membre de l'Institut, de rassembler une pléiade de jeunes
scientifiques, ingénieurs, artistes et humanistes issus
des écoles d'État, notamment Polytechnique nouvellement
établie.
Parmi eux, l'artiste aventurier
Vivant-Denon, qui recueille à 51 ans la chance de sa
vie, le mathématicien Gaspard Monge, le naturaliste Geoffroy
Saint-Hilaire,...
La marine française
est en piteux état et la majorité des officiers
de marine ont émigré. On parvient tout de même
à rassembler l'«aile gauche de l'armée d'Angleterre»
dans le Golfe de Gênes au printemps 1798 sous le commandement
de l'amiral Brueys d'Aigailliers. En tout 194 navires et 19.000
hommes.
La flotte réussit
à appareiller de Toulon le 19 mai malgré la vigilance
du contre-amiral Horatio Nelson, commandant de la flotte britannique.
Avec des flottes de Gênes et d'Ajaccio, les effectifs
de l'expédition s'élèvent au final à...
54.000 hommes !
La conquête
La flotte parvient en vue
de La Valette capitale de l'île de Malte, le 9 juin. Trois
siècles plus tôt, l'île avait été
confiée par Charles Quint aux Chevaliers de l'Ordre hospitalier
de Saint-Jean de Jérusalem, dénommés ensuite
de Rhodes puis de Malte.
Le grand-maître Ferdinand
von Hompesch zu Bolheim a les moyens de tenir un long siège,
le roi de Naples lui devant assistance et les chevaliers en
ayant vu d'autres. Mais le cur n'y est plus et la place
rend les armes le 12 juin.
Bonaparte s'installe pour
quelques jours à La Valette, édicte toutes sortes
de dispositions révolutionnaires, puis poursuit sa croisière
vers l'Égypte. Le corps expéditionnaire débarque
à Alexandrie le 2 juillet après avoir échappé
presque par miracle à la poursuite de Nelson.
L'Égypte, sous l'autorité
nominale du sultan d'Istamboul, est alors dominée par
les Mamelouks.
Ils sont commandés
par deux «beys», Mourad et Ibrahim, quand débarque
Bonaparte en 1798.
Pressé d'en finir,
Bonaparte commet l'erreur de se diriger d'Alexandrie vers Le
Caire, capitale de l'Égypte, par le chemin le plus court,
à travers le désert.
Les soldats, qui vont à
pied tandis que leur général caracole à
cheval ou... à dos de chameau, endurent pendant trois
semaines des souffrances épouvantables.
Non préparés
au soleil... et aux mirages, ils doivent au surplus répliquer
aux attaques surprises des cavaliers mamelouks.
C'est enfin le heurt décisif
avec les troupes de Mourad Bey au pied des Pyramides.
Le général
Louis Desaix poursuit les fuyards jusqu'en Haute-Égypte,
complétant la soumission du pays. Son humanité
dans les rapports avec la population lui vaut le surnom de «Sultan
juste».
Séduction de l'Orient
Bonaparte, quant à
lui, se voit vizir au Caire, une ville bruissante de plus de
200.000 habitants dans un pays qui en compte trois millions
(25 fois plus aujourd'hui).
Les savants et les artistes,
peintres et graveurs qu'il a eu la bonne idée d'amener
avec lui se mettent au travail pour sortir l'antique civilisation
pharaonique de son mystère.
Bonaparte monte en épingle
leurs travaux et leurs compte-rendus pour mieux faire oublier
à l'opinion métropolitaine le fiasco militaire
de l'expédition.
Il crée l'Institut
d'Égypte dont il sera membre actif. Ainsi se développe
l'égyptologie, qui trouvera en Jean-François Champollion
un martyr.
Le général
victorieux tente par ailleurs de s'appuyer sur les notables
indigènes en multipliant les déclarations de respect
à l'égard de la religion musulmane.
Il fait valoir que sa haine
du pape est un gage de sympathie pour l'islam ! Il multiplie
jusqu'au ridicule les gestes de bonne volonté, n'hésitant
pas à danser à la manière locale devant
ses officiers et les notables du cru.
Il dialogue avec les théologiens
(ulémas), et veille même à ce que soit fêtée
la naissance du Prophète. Il envoie des déclarations
d'amitié au Grand Turc, le sultan d'Istamboul...
Pour clarifier son comportement,
il confiera plus tard à l'académicien Roederer
: «C'est en me faisant catholique que j'ai fini la guerre
de Vendée; en me faisant musulman que je me suis établi
en Égypte; en me faisant ultramontain que j'ai gagné
les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs,
je rétablirais le temple de Salomon» (*).
Mais Bonaparte va bientôt
se retrouver prisonnier de sa conquête.
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